
C’est l’histoire d’un mec qui racontait des blagues, un mec en salopette balançant des saloperies avec ses salopiauds, un mec à qui les Petits puissants ne faisaient pas peur et qui préférait s’attacher aux gens qu’on oublie trop facilement.
C’est aussi l’histoire d’un mec qui cramait la vie par les deux bouts – trop pressé de vivre – et qui mangeait, buvait, fumait, jurait et forniquait à mille à l’heure.
Et puis c’est l’histoire d’un mec qui marqua les esprits et dont le souvenir est, aujourd’hui, chéri par (presque) tous.
Cette histoire, c’est celle de Coluche et c’est également celle qu’Antoine de Caunes essaie de nous conter. Après tout, tout est là : un scénario dense (une folle année de vie), un acteur dont la ressemblance physique et gestuelle est parfois confondante et une période historique qui ne demande qu’à être secouée par les trublions qu’elle s’évertuait à étouffer (à quand un nouvel héritier d’Hara Kiri pour grossir les rangs d’un Charlie Hebdo ?).
Oui, tout est là.
Malheureusement, le film, chronologique (dans les faits) et progressif (dans les émotions) ne décolle – paradoxalement – jamais vraiment. Acquis d’avance, le spectateur y plonge pourtant de bon cœur… avant de s’embourber dans un montage elliptique parfois terne (même les passages "bigarrés" sentent la poussière) et, surtout, une galerie impressionnante de seconds rôles pas ou peu exploités. Ah ça oui, tout le monde y est sur la photo de classe ! Une exhaustivité qui va rapidement plomber le film.
Volontaire, on essaie toujours de s’accrocher : même pas besoin de gratter le vernis, de Caunes s’en charge pour nous, et esquisse un homme blessé, menacé, coincé entre ses blagues (la campagne présidentielle) et leurs conséquences (les menaces, la solitude…) et engoncé dans un rôle d’amuseur public sauveur de la patrie.
Mais rien n’y fait, ça ne prend pas. Le temps s’allonge et l’intérêt se fait la malle…
Le cul entre deux chaises (voulant à la fois échapper à l’hagiographie pure et à l’effondrement d’un mythe), de Caunes – étouffé par son sujet – ne semble savoir dans quelle direction nous emmener. Le film fonctionne alors à deux vitesses et c’est finalement l’histoire d’un mec qui voulait nous raconter une vie peut-être trop grande pour lui.
Eléonore Guerra