Blueberry en dvd : notre interview de Jan Kounen

A l’occasion de la sortie DVD de BLUEBERRY le 13 octobre, le réalisateur Jan Kounen est revenu pour nous sur cette aventure chamanique… Lifting graphique, contenu des bonus, piratage des films & projets cinématographiques. Rencontre avec un cinéaste passionné et passionnant.

Pour commencer, une petite question qui me trotte dans la tête : pourquoi le nom de Blueberry n'est-il pas cité dans votre film ?
Parce qu'en anglais, Blueberry veut dire "Myrtille". Et comme on tournait avec des acteurs étrangers et que le film était également destiné à un public international, on ne pouvait décemment pas appeler le héros "Marshall Myrtille". C'est pourquoi on a préféré Mike, Marshall, ou Tsinapah ("nez cassé"), son nom indien dans la BD. Imaginez le dialogue du film : "Commissaire Myrtille, cette ville est trop petite pour nous deux !"

La conception graphique du DVD

 

A propos du DVD : dans les nombreux reportages de l'édition collector de BLUEBERRY, vous apparaissez comme quelqu'un de très méticuleux sur les tournages. Avez-vous supervisé la réalisation du DVD de la même manière ?
Je tiens à superviser l'ensemble, mais je laisse toujours beaucoup de place à l’expression artistique de mes collaborateurs. Par exemple, j’ai supervisé le mastering 35 mm vers la vidéo, l’aspect graphique… Mais pour les menus, j’ai simplement proposé le style, et laissé faire ceux dont c'est le boulot. Au final, j'ai validé tous les menus sans y apporter de modifications.
Le petit lifting d'affiche était-il pour vous indispensable ?
J’ai toujours pensé que la partie mystique du film devait être présente sur l'affiche, qu'il ne fallait pas se limiter au côté western. Je suis content d'avoir pu le faire pour la jaquette du DVD.
Est-ce l'affiche que vous auriez voulu donner au film, beaucoup plus proche de l'esprit de votre version de Blueberry ?
On peut encore aller beaucoup plus loin dans la créativité… Peut-être pour une réédition ?
Avez-vous hésité avec d'autres modèles ? Ces projets d'affiches proviennent-elles des croquis que vous aviez réalisés pour le film ? Comment avez-vous procédé ?
Pour l'édition simple, il nous fallait mettre la photo de Vincent, qui sert de lien entre l’affiche du film en salle et la jaquette du DVD. Mais pour le collector, nous étions plus libres. On a cherché différents modèles qui pouvaient correspondre au film, mais ces images s'éloignaient trop de l'affiche originale. On s'est donc servi d'images du film comme point de départ.

Les bonus

 

Le DVD Collector de DOBERMAN était déjà très complet. Est-ce important pour vous les bonus DVD ?
Oui, c'est très important. J’achète parfois des DVD collectors que je n’aurais pas acheté en édition simple juste pour visionner les suppléments ! Je suis naturellement curieux de voir pourquoi et comment un cinéaste fait son film. Je pense que les bonus sont une autre manière de faire partager l’aventure d'un film, en montrant les coulisses, les secrets du tournage… Et s'ils sont bien faits, ils peuvent même devenir une sorte d’école de ciné par correspondance…
Pensiez-vous déjà au DVD lorsque vous tourniez votre film ?
En fait j’y pense au départ. Mais mener à bien le projet du film représente déjà tellement de travail… que j’oublie !
Avant même de compléter le film, les bonus permettent surtout de mieux le comprendre et de mieux l'appréhender. Avez-vous choisi cet axe avant ou après la sortie de Blueberry en salles ?
J’ai axé l’édition collector sur l’idée d’aider les gens à comprendre, à partager l’aventure, car j’ai découvert à la sortie du film que Blueberry était une abstraction pour beaucoup. C’est pour cela qu’il n’y a pas de scènes coupées, ou de reportage sur les effets spéciaux : ça aurait pris un disque entier. En fait, cette édition est presque plus un collector pour ceux qui veulent découvrir le film et en savoir plus sur le sujet qu’un DVD pour les fans du film.
Y a-t-il des bonus cachés, comme dans le DVD de DOBERMAN ?
Non car il n’y avait plus de place ! Le deuxième disque propose à lui tout seul près de trois heures de vidéo…

Vous expliquez dans les bonus que vous aviez quelqu'un d'autre en tête pour jouer Blueberry, mais vous ne donnez pas de nom…
Je pensais au départ à Willem Dafoe, mais les financiers n’ont pas suivi, puis à Val Kilmer… Au final, je suis vraiment heureux que ce soit Vincent qui ait eu le rôle. C’était lui et lui seul. J’ai seulement mis du temps à le comprendre.
Dans l'interview présente sur le DVD, Vincent Cassel définit votre film comme "un mélange entre LA LIGNE ROUGE de Terrence Malick et LE VOYAGE DE CHIHIRO de Hayao Miyazaki." C'est une bonne définition ?
Blueberry est un voyage, un film où la nature et le monde des esprits tiennent une place à part entière… Je ne sais pas si c'est "la" définition, mais en tout cas tous ces films sont proches par leurs sujets…

Jan Kounen & le DVD

 

Etes-vous un grand consommateur de DVD ? Quel est votre préféré ?
En ce moment, je n'ai plus de véritable home cinema, donc je préfère aller voir les films en salle. J'ai à peu près 300 DVD et 200 Laserdisc… Ce n'est pas énorme en fin de compte ! J’en regarde environ un ou deux par semaine. Celui que j'ai le plus regardé ? Sans hésiter BARAKA de Ron Fricke !
Est-ce que vous pensez qu'un DVD peut donner une nouvelle vie au film ?
Je ne sais pas, mais j'essaye de consacrer un maximum de temps au DVD pour que le master et l'édition finale soient au mieux. Si ça ne tenait qu’à moi je ferais une édition 52 disques !

Cinéma, Dvd & Pirates

Pour revenir sur votre action contre le piratage… Vous avez manœuvré d'une manière très intelligente, sans pénaliser le webspectateur mais en lui donnant envie d'aller voir le film. Blueberry a-t-il tout de même été piraté ?
Oui, hélas c’est la version TF1 qui a été piratée, en français et Pan&Scan… Les pirates n’ont pas toujours bon goût !
Le cinéma devient aujourd'hui un produit de luxe (presque 10 euros dans certaines salles), les pris des DVD sont en hausse… Pensez-vous que le Divix peut tuer à terme, le cinéma ?
Puisque je parlais du goût, je vous renvoie la question : le McDo (pas cher et pauvre en goût) peut-il tuer la restauration de qualité ? Personnellement je préfère aller manger dans un bon restaurant, puis profiter d'un film au cinéma… Plutôt qu’un Big Mac à deux euros devant mon écran d’ordinateur à regarder un film piraté ! Et quand j’étais étudiant et fauché, c'était la même chose, je le faisais juste moins souvent.
Je reste optimiste sur ce point là, je pense qu'il restera toujours des créatures qui veulent apprécier l’acte de voir un film dans de vraies conditions, même s'il faut y mettre le prix. En revanche, je le suis moins sur le pop-corn, véritable fléau des salles de cinéma ! Un peu comme le téléphone portable au restaurant !

Les Projets

 

Après l'expérience Blueberry, vous risqueriez-vous à une nouvelle adaptation de bande dessinée ?
Pas de BD pour l’instant ! J’ai découvert en adaptant Blueberry que ce n’était pas très apprécié de prendre certaines libertés, même avec la bénédiction de l’auteur. Tim Burton l’a dit, les fans sont une plaie lorsque l’on adapte une BD… Moi je ne me voyais et ne me vois toujours pas reproduire telle quelle une BD en film : si l’on passe au cinéma c'est pour embarquer le public ailleurs. Question actu, je viens de terminer le tournage d'un long-métrage documentaire que j'ai commencé en septembre 2003, et suis en phase de post-production. Il s'agit du portrait d’une sage Indienne, une femme exceptionnelle que je suis à travers l’Inde. Le film s'appelle Darshan et sortira au printemps 2005.

Propos recueillis par Aurélie Maulard (Septembre 2004)

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