Clotilde Hesme : « J’aime imaginer Diane comme une Bruce Willis de la GPA »

Clotilde Hesme :  « J’aime imaginer Diane comme une Bruce Willis de la GPA »

Diane a les épaules sort aujourd’hui au cinéma. Premier long-métrage de Fabien Gorgeart, ce film, sous des allures de comédie, évoque avec tendresse et profondeur la grossesse pour autrui, en suivant le parcours de Diane. Un portrait de femme incarnée par une Clotilde Hesme solaire. Comme au Cinéma a pu rencontrer l’équipe du film.

Thomas, Grégory, vous incarnez les pères de l’enfant que porte Diane, l’amie d’enfance de Thomas. Racontez-nous le film.

Thomas Suire : Dans Diane a les épaules, la GPA est un contexte, le film raconte plutôt une histoire d’amour et une histoire d’amitié. Mon personnage, l’ami de Diane est en couple avec Jacques. Comme ils ne peuvent avoir d’enfant, Diane accepte, avec un peu d’insouciance, de porter leur enfant.

Gregory Montel : le ton du film est contemporain, on est en 2017, et qu’on soit un homme ou une femme en couple homosexuel, il y a des solutions. Ceci posé, le film raconte cette belle amitié entre Diane et Thomas, à laquelle s’ajoutent, plus en périphérie, mon personnage et celui de Fabrizio. C’est une histoire de tendresse et d’amour autour de cette femme qui se dit « Je fais un enfant pour autrui, comment vais-je le gérer ? » C’est l’histoire d’une femme libre, et de son acte de naissance à elle aussi, une forme de sortie de l’adolescence.

Le film joue avec les frontières des genres, il y a un renversement des codes traditionnels du couple. Comment est-ce qu’on joue ces rôles d’hommes bouleversés par leur paternité ?

T.S : La complicité était là déjà avec Gregory. On est dans le film un couple normal, on a une vie plutôt rangée. Cela s’est fait assez naturellement.

G.M : Je me suis posé plus de questions. Fallait-il essayer de féminiser mon personnage ? Fabien m’a tout de suite dit « surtout pas », mais plutôt de jouer sur l’affection, qui existait déjà entre nous. Mon personnage est plus effacé, plus discret, mais il a profondément compris la relation entre Diane et Thomas.

Fabien Gorgeart, il s’agit de votre premier long-métrage. Comment cela s’est-il passé ?

Fabien Gorgeart : Il y a une dimension personnelle dans ce film. Ce que traversent les personnages du film est arrivé à des gens proches. J’ai voulu aborder le sujet sans idées préconçues. J’ai voulu faire mon film comme Diane porte l’enfant. Le faire pour les autres, et avancer avec elle. Pour la fabrication du film, j’ai travaillé avec mon équipe de toujours, le passage du court au long s’est donc fait plutôt avec harmonie.

T.S : l’équipe entière est top, je travaille avec Fabien depuis dix ans. Le voir réaliser ce film et y participer, c’était très émouvant. C’est une conclusion de dix ans de travail. C’est un travailleur acharné, il était mûr pour le format long. L’équipe technique est restée la même, il y a donc de la complicité et de la continuité, c’était la suite logique.

G.M. : Pour un premier film, il y a une finesse, et de la sobriété. Il ne veut pas montrer à tout prix, ce qu’on voit souvent dans les premiers films, la volonté d’en faire trop. Et le tournage était serein, calme, c’était agréable et en même temps impressionnant de maîtrise.

T.S. : Clotilde est merveilleuse dans ce film.

GM : Je crois que j’ai rarement joué avec des acteurs aussi investis, aussi bons même (rires) !

Clotilde Hesme, comment avez-vous reçu le projet Diane a les épaules ?

Clotilde Hesme : J’ai collaboré en 2013 avec Fabien sur un de ses court-métrages, Un chien de ma chienne, avec mes sœurs. Suite à cette expérience, il avait envie de proposer un rôle dans lequel on ne m’avait pas beaucoup vu, une partition appartenant plus à la comédie. On nous dit parfois que je suis sa part féminine, et lui ma part masculine, je le crois.

Qu’est-ce qui vous a plu dans le personnage de Diane ?

C.H. : Ce qui est intéressant avec Fabien, c’est qu’il ne filme pas la femme comme Hitchcock, mais serait plus proche d’Almodovar. Il y a une connivence plus que du désir. Je veux travailler sur cette chose là. Mon personnage est différent de l’objet du désir qui est la représentation courante de la femme au cinéma. Et puis mettre dans la bouche d’une femme enceinte « je sais séparer ma tête de mon ventre », c’est quelque chose de plutôt masculin. C’est une part de ma personnalité qui me plaît et que je veux exploiter.

Diane fume, boit, drague en boîte à la manière d’un mec un peu lourde. Elle a une attitude qui déstabilise les hommes autour d’elle…

F. G. : Disons-le, Diane est parfois pénible ! J’ai écrit ce film pour Clotilde, car elle est capable d’être dans l’incarnation. Nous ne voulions pas créer un personnage pamphlétaire, mais montrer un sujet singulier. Le film n’est pas un film sur un sujet de société, c’est le parcours d’un personnage qui, par sa singularité et sans être militant, casse les représentations connues.

C. H. : Je me suis éclatée en faisant ce film. Mon personnage est très vivant, il est à la croisée du personnage de comédie et du action hero. C’est notre génération, on a adoré l’Arme Fatale, les Die Hard, tous ces films des annés 90 en VHS. J’aime imaginer Diane comme une Bruce Willis de la GPA. C’est un portrait de femme entière et moderne. Elle est différente, et cela ouvre des portes.

Il y a des références à d’autres cinémas ?

F. G. : Oui, mais de manière indirecte, ce n’est jamais frontal. Il y a effectivement le côté invincible et supérieur du action hero, celui qui va rassurer et s’occuper de tout, avec une pointe d’arrogance parfois. L’épaule qui se déboîte, c’est aussi un clin d’œil à Mel Gibson dans l’Arme fatale, un personnage que j’adore. J’aime beaucoup la vision de la femme dans les films de Rohmer, mais aussi le personnage type John Wayne chez John Ford.

Cependant, je voulais absolument que mes personnages soient accessibles, qu’on puisse se sentir tout de suite proches et vivre l’histoire avec eux. En ce sens, ce ne sont pas des gens de cinéma, ce sont de vraies personnes. Moi, je me suis fait discret dans la réalisation pour permettre cette rencontre.

Ce sont les personnages qui construisent le film. Le projet de la grossesse, la rénovation de la maison, la relation avec Fabrizio, … C’est quelque chose que j’ai appris du cinéma roumain, en travaillant avec le scénariste Razvan Radulescu, avec qui j’ai eu la chance de travailler et qui est un mentor pour moi.

Le film débute avec de l’insouciance, de la légèreté, avant de gagner en gravité. Un parcours sublimé par une très belle scène finale. Il y a quelque chose qui appartient à une forme d’insoutenable légèreté de l’être.

C. H. : La scène finale était dans le scénario, mais écrite différemment. C’est le post-partum, le lâcher prise, c’est la fin, et toutes les émotions se montrent ici. C’est l’histoire d’une grossesse pour autrui, mais c’est aussi l’accouchement du film. J’avais besoin de Fabien pour cette scène, qu’il soit dans mon champ de vision, il fallait qu’on la raconte à deux. Il y a une sincérité absolue dans cette scène et dans tout le film. Je ne l’aurais sans doute pas fait pour quelqu’un d’autre !

F. G. : il y avait un pari, celui de parler d’un personnage singulier aux prises avec un sujet universel, avoir un enfant, et de finir sur un portrait universel. Il fallait aussi garder de la légèreté, Diane prend la mesure de ce qu’elle vit mais reste la même personne. J’ai fait le film presque pour cette seule scène, j’espère que c’est réussi !

Propos recueillis par Marc-Aurèle Garreau (15 novembre 2017)