Demandez-leur la permission !

Ce n'est pas souvent que le cinéma français nous offre une jolie comédie, à la fois fraîche et sympathique, sans aucune faute de goût ni franfreluches, qui réussit la prouesse de nous faire à la fois rire et réfléchir avec finesse d'un véritable problème de société... Son nom : Demandez la permission aux enfants.

Vous pensez donc bien que l'on n'allait pas manquer l'occasion de rencontrer l'équipe de ce film ensoleillé, Anne Parillaud, Pascal Légitimus & Eric Civanyan...

Anne Parillaud & Pascal Légitimus nous ont donné la permission !

Le sujet central du film reflète un vrai problème de société. Qu’en pensez-vous ?
Anne Parillaud : C’est effectivement un vrai problème de société, c’est donc important d’en parler, mais sur le thème de l’humour et de la comédie, sans que les gens se sentent critiqués. Il vaut mieux rire d’abord, pour réfléchir ensuite.

Anne, vous incarnez une mère fashion et un peu superficielle, quoique aimante... Que pensez-vous de ce type de mère ?
A.P. : C’est un vrai personnage de composition, car même si je suis mère de famille (j’ai trois enfants), je suis plutôt sévère car je pense que l’enfant existe et qu’il faut bien lui donner sa place dès le départ pour éviter justement qu’il n’en prenne une autre. Mais Anna, c’est aussi un personnage qui m’a touché : une mère qui reste extrêmement complice avec ses enfants, mais qui a un rapport de femme-enfant avec son mari, et qui donc régulièrement se repositionne comme la grande fille de la famille. C’est quelqu’un qui a une vision en dehors des formats, et c’est donc quelqu’un en qui je peux me retrouver parce que dès qu’il y a du décalage, c’est familier pour moi.

Quant à vous Pascal, vous incarnez le second mari de Sandrine Bonnaire, un dessinateur de BD plutôt cool…
Pascal Légitimus : Oui. Mais en fait, je ne corresponds à aucun des modèles dans le film. Francis était pour moi un personnage de composition sauf dans l’émotion : ma mère est décédée quand j’avais quinze ans et une nouvelle femme est arrivée à la maison, que j’ai vue comme une étrangère. Je me suis donc un peu retrouvé dans la position de Lola.

La plupart de vos films sont d’une tout autre veine. Quel effet cela vous fait-il de revenir à la pure et simple comédie à la française ?
A.P. : Pour moi, la comédie a été une découverte, une initiation. J’avais toujours eu beaucoup de mal avec l’expression "jouer la comédie", parce que c’est quelque chose que je ne ressens absolument pas, je suis plus habituée au drame. Mais c’est en pratiquant cet art que j’ai compris cette expression, car dans la comédie, non seulement il faut ce qu’il y a dans le drame c'est-à-dire la sincérité et le ressenti profond, mais il faut en plus tout le reste qui apporte la comédie, c'est-à-dire un timing, un tempo, un partenariat, et quand on dit que le comédien comique est le plus grand comédien c’est justement parce qu’il peut jouer sur les deux tableaux.
P.L. : Dans la comédie, encore plus que dans le drame, ce qui importe c’est ce qu’on pense, et non pas ce qu’on dit. C’est toujours le sous texte, le non dit. Il y a un contrôle de soi : il faut s’amuser à jouer quelque chose. La comédie demande plus de création et de maîtrise en même temps.

Vous êtes un inconditionnel de la comédie, mais ce terme reste très vaste. Quelle différence feriez-vous entre les sketches des Inconnus, un film comme Madame Irma et un film comme celui-ci ?
P.L. : Dans la forme ce sont des comédies… Mais dans le fond, tous les personnages que j’interprète sont des personnages qui souffrent, qui vivent un drame et c’est ça qui m’intéresse. Même dans les sketches des inconnus ce sont des loosers, des pauvres types, des gens qui ont des défauts. Une comédie, c’est d’abord un drame, et ce qui m’intéresse c’est de jouer des personnages qui ont quelque chose à raconter, pas de faire rire pour faire rire, car avant tout, jouer la comédie c’est être sincère.

Votre conseil pour l’éducation des enfants ?
A.P. : De l’amour, mais du vrai : que l’enfant se sente aimé et respecté.
P.L. : Le dire c’est facile, mais il faut le faire ! Moi je recommande de l’humour.

Eric Civanyan nous donne la permission !

 

Comment vous est venue l’idée d’un tel film ?
Tout est parti du scénariste avec qui j’ai co-écrit le film qui a vécu en vrai la situation de Francis (Pascal Légitimus). Il était célibataire et a rencontré une femme qui avait deux enfants un peu difficiles. J’ai trouvé que c’était un sujet de société formidable, qui pouvait faire un film. En plus j’avais aussi vécu ça, ayant été beau-père une dizaine d’années.

Vous êtes passé de comédien à la mise en scène de théâtre puis à la réalisation ciné. Que vous apporte cette double formation ?
Comédien et metteur en scène, c’est très lié : j’ai du mal à comprendre les metteurs en scène qui n’ont pas de formation de comédien, car tant qu’on n’a pas été sur un plateau, c’est très compliqué de diriger les autres. L’expérience de la scène de théâtre est très utile au cinéma, en particulier pour les comédies, où l’intention et le rythme sont essentiels pour réussir à faire rire.

Quelle serait selon vous la recette d’une comédie à succès ?
Il n’y a pas vraiment de recette, il n’y a que la sincérité, et l’envie de faire les choses. Un bon choix de sujet, et ensuite du travail, beaucoup de travail.

Il y a dans le film de nombreuses références à d’autres comédies françaises cultes, desquelles vous êtes-vous particulièrement inspiré et pourquoi ?
C’est totalement inconscient. Ce qui est drôle ce sont les exégèses qui sont faites. Les références font simplement partie d’un pot de culture commune.

Votre comédie française préférée ?
On ne peut pas ne pas penser aux comédies de Francis Veber ! Récemment, j’ai également beaucoup rigolé à Prête-moi ta main. C’est vrai qu’on a une grande tradition de comédie française, on n’a que l’embarras du choix.

Avez-vous une anecdote rigolote sur des enfants que vous connaissez qui irait dans le sens du film ?
C’est une histoire vraie qu’on m’a racontée après le film. Pour réussir à coucher leurs enfants, vers huit heures du soir, les parents se mettaient eux aussi en pyjama et allaient au lit. Ils attendaient que les enfants soient endormis pour se relever et commencer leur soirée !

On sent tous les comédiens très complices, ce qui amplifie le côté bon enfant du film…
Oui ! Ce qui est très important pour moi, c’est de travailler beaucoup mais dans la bonne humeur, surtout dans des grandes comédies chorales comme ça. Car la comédie, c’est beaucoup de travail, tout est réglé au millimètre près, il n’y a pas d’improvisation…

Vous dressez un portrait à la fois satirique et fin de ces milieux. Mais vous n’êtes pas dans la caricature…
Je suis content que vous ayez compris cela, car on risque d’avoir de mauvais papiers nous traitant de caricatures. Car il n’y a aucune caricature ! Dans la réalité, c’est même pire que ça.

Vous mêlez des grandes pointures avec de nombreux enfants : comment avez-vous réussi à diriger cette joyeuse troupe ?
Oui, tous les adultes du film sont des grandes pointures du cinéma ou du théâtre. Et de l’autre côté, il y a plein d’enfants. Mais là où la vie est injuste, c’est que les enfants sont géniaux comme ça, alors que les grands doivent travailler pour obtenir ce qu’ils veulent. L’enfant lui est, il ne joue pas parce qu’il joue naturellement, et face à ça, les adultes doivent être particulièrement justes pour atteindre le même niveau de spontanéité.

Votre plus grosse bêtise d’enfant ?
Une grosse bêtise involontaire : je voulais absolument que ma grand-mère vienne jouer avec moi dans ma chambre donc je l’ai tirée, le plus fort que je pouvais, et j’ai réussi à lui casser la hanche. Mais ça n’était pas de ma faute, je voulais juste jouer !

Votre conseil pour l’éducation des enfants ?
Il faut aller voir le film !

Propos recueillis par Anne-Christine Caro (Paris, mars 2007)