François Ozon : rencontre avec un Ange(l)

Chaque film de François Ozon est unique. Deux ans après son huitième long-métrage, Le Temps Qui Reste, où le cinéaste délaissait les femmes pour se consacrer aux hommes le temps d’une histoire poignante, l’un des réalisateurs français les plus doués de sa génération nous offre aujourd’hui Angel. Une histoire romanesque inspirée d’un roman anglais et portée sur grand écran avec brio. Bien que François Ozon n’aime pas regarder les films qu’il met en scène, l’homme parle d’eux avec une passion brûlante. Modeste M. Ozon ? Oui, certainement. Ou talentueux, tout simplement…

Angel est votre premier film d’époque. Est-ce un genre cinématographique qui vous tenait à cœur d’expérimenter ?
Oui. Faire un film d’époque avec des costumes, des décors m’attirait beaucoup. Qui plus est en Angleterre.

Y a-t-il d’autres genres cinématographiques que vous souhaiteriez réaliser ?
Non, pas spécialement… Je ne me vois pas faire un western par exemple ! (rires)

Quels cinéastes vous ont inspiré dans la réalisation d’Angel ?
Il y en a beaucoup… Mais c’est avant tout l’histoire, le roman d’Elizabeth Taylor qui m’a vraiment inspiré.

Pourquoi avoir choisi cette texture d’image proche des films des années 50 ?
Parce que je pense que cela représente bien les goûts d’Angel et son décalage par rapport à la réalité. Comme, par exemple, les transparences quand les personnages prennent la voiture, tous ces moments là. On comprend alors que l’on est dans son univers, que l’on voit les choses de son point de vue… Et on comprend le décalage qu’elle a par rapport au réel.

Comment s’est passé la direction d’acteurs anglais ?
Très simplement, car les acteurs anglais sont très professionnels. Ils ont une tradition théâtrale, ce qui fait qu’ils étaient très préparés, ils avaient beaucoup travaillé en amont. Pour moi c’était très reposant puisque j’avais plein d’autres choses à faire. Donc ça me soulageait énormément. En plus ils avaient plein de propositions donc c’était très agréable.

Quelle est la différence avec les acteurs français ?
Les acteurs français connaissent moins bien leur texte, en général. (rires) Et ils sont plus instinctifs. En Angleterre les choses sont plus travaillées, plus pensées.

Philippe Rombi est-il devenu votre compositeur attitré ?
C’est vrai que ça fait le troisième ou quatrième film que l’on fait ensemble. On s’entend très bien. Il connaît mes goûts et je connais ses capacités. Il y a donc une complicité qui s’est installée. Après peut être que sur un autre film je n’irai pas forcément vers lui. Pour ce film-là en revanche, il me semblait que son lyrisme et sa capacité à créer des mélodies pouvaient vraiment bien s’adapter. C’est quelqu’un de vraiment intéressant et talentueux. Lui-même a quelque chose de très romantique dans son univers, donc je me suis dit qu’il pourrait se retrouver dans le personnage d’Angel.

Après avoir filmé un homme dans Le Temps Qui Reste vous choisissez à nouveau de raconter l’histoire d’une femme. D’où vient cette « obsession » des femmes ?
Ce n’est pas une obsession. Les femmes représentent la moitié de l’humanité ! (rires) J’ai toujours parlé des femmes et des hommes, mais c’est vrai que je prends plus de plaisir à filmer des actrices et des personnages féminins. Je les trouve souvent plus complexes, plus intéressants. Et puis j’aime les personnages très colorés avec plein de facettes différentes. J’ai l’impression qu’au cinéma les hommes symbolisent souvent l’action. Les femmes représentent plus l’intériorité, les sentiments, les émotions et c’est cela qui m’intéresse le plus dans le cinéma.

Pourquoi Le Temps Qui Reste dans ce cas ?
C’était une exception. C’est un film sur lequel je m’étais mis au défi de voir si j’étais capable de suivre un homme comme je l’avais fait auparavant avec des femmes. D’une certaine manière avec Melvil Poulpaud, j’avais l’impression d’avoir une actrice devant moi. Il s’est complètement abandonné sur le film et a joué le jeu à fond.

Quelles sont les actrices que vous aimeriez filmer ?
Je n’ai pas de désir particulier, il faut qu’il y ait d’abord une histoire. Bien sur il y a des actrices que j’adore comme Meryl Streep, Nicole Kidman ou Naomi Watts. Il y en a plein que je trouve incroyables. Mais je n’ai pas envie de faire n’importe quoi avec elles donc il faut d’abord trouver un projet et une vraie inspiration avant de vraiment travailler ensemble.

Certaines actrices se sont-elles manifestées ?
Oui il y en a. J’ai eu parfois des courriers et c’est très flatteur pour un réalisateur, quand tout d’un coup une grande actrice vous dit qu’elle aimerait travailler avec vous, qu’elle a aimé vos films. C’est très encourageant.

Et du côté des acteurs ?
Il y a plein d’acteurs avec qui j’aimerais travaillé, des étrangers plus que des Français. Je pense notamment à l’Angleterre où je trouve qu’il y a de très bons acteurs comme Clive Owen, Daniel Craig ou Ewan McGregor.

Est ce que vous travaillez actuellement sur un nouveau projet ?
Non je me repose (rires). Angel m’a pris beaucoup d’énergie et j’ai donc besoin de me ressourcer avant de repartir sur autre chose…

Propos recueillis par Alain Martino (Paris, 9 mars 2007)