Goro Miyazaki assure la relève…

Jeudi 1er mars. L’excitation est à son paroxysme car nous nous apprêtons à voir en avant-première Les Contes de Terremer, premier film de Goro Miyazaki, fils du maître de l’animation. Cette séance spéciale et ultra attendue sera suivie d’une masterclasse avec le réalisateur.
Pendant près de deux heures, journalistes, fans de l’univers miazakiesque et curieux découvrent l’œuvre de Miyazaki Junior avec vif intérêt et délectation. Les réactions à la fin du film sont relativement positives et l’échange d’avis laisse place à une valse d’applaudissements quand Goro entre en scène.

Un parcours atypique…

D’une grande humilité (timidité ?), le jeune premier – âgé tout de même de 40 ans ! – nous parle de son parcours atypique, de son travail et de ses envies.
Architecte de profession, Goro s’est toujours très investi dans les Studios Ghibli. Incroyablement célèbres, ces derniers sont à l’origine d’œuvres majestueuses comme Le tombeau des lucioles, d’Isao Takahata, ou encore Princesse Mononoke, Le Chateau Ambulant, Le voyage de Chihiro d’Hayao Miyazaki etc.
Normal que l’envie de caresser la caméra titillait Miyazaki fils. Après des années de doute, il décide de franchir le pas avec Les contes de Terremer inspiré d’un classique de l’Heroic Fantasy. Cette première tentative s’avère être une œuvre audacieuse, ambitieuse et pleine de promesses.

Quand le père entre en jeu…

La parenté fut-elle un frein à son désir de réalisation ? Le nom de Miyazaki est mythique dans le Septième Art… Difficile ainsi de porter un tel héritage sur ses épaules, d’autant plus quand le projet est convoité par le père depuis une vingtaine d’années. Goro se confie tant professionnellement que personnellement, notamment lorsqu’il évoque ses craintes relatives à l’opinion de son père. Amusé, Goro explique : « Je ne parle jamais de travail avec mon père ! » Et on le comprend !
D’une fierté incontestable, il nous avoue que son papa est très satisfait du résultat, lui qui, pourtant, était initialement contre le passage à la réalisation de son fils. Une question nous taraude : à quand un long-métrage signé à quatre mains par le duo père/fils ?
Rappelons d’ailleurs qu’Hayao travaille actuellement sur un nouveau film prévu pour l’été 2008 au Japon. Il se serait d’ailleurs inspiré de son propre fils pour créer le personnage principal !
Les Contes… débute sur un parricide… Doit-on y voir un désir inconscient ou un quelconque rapport avec le propre vécu du jeune cinéaste ? Avec un sérieux implacable, Goro répond : « Je n’ai jamais eu l’intention de tuer mon père… Mais il a déjà un certain âge ! » (Rires)

L’histoire, les personnages, la réalisation…

Après des années de tergiversations, une fois le projet lancé, on ne peut plus l’arrêter ! Et c’est avec une frénésie folle qu’il sera achevé en huit mois et demi…
L’histoire regorge de personnages complexes. Arren, un des héros (Prince d’Enlad et héritier de la principauté de Morred) ressemble - aux dires de Goro - à un Japonais d’aujourd’hui. Une grande noirceur entoure ce protagoniste, divin mélange de bien et de mal. Le réalisateur s’intéresse beaucoup à cette inévitable balance entre les deux extrêmes, qu’il considère comme indispensables pour chaque individu. L’équilibre entre les deux forces est ainsi au cœur de son œuvre.
L’univers du film est volontairement très occidental. L’expression stylistique, quant à elle, est très épurée afin de ne pas transmettre trop de messages par images.
La nature est omniprésente dans le film. En cela, Goro suit la tradition des Studios Ghibli d’être sensible à l’écologie.
Graphiquement, Goro reconnaît avoir le même style que son paternel mais ne manque pas d’argumentations à ce sujet. En effet, l’aspect visuel des films de Miyazaki père est celui qui est apprécié par le fils. Ensuite, le manque d’expérience l’empêchait de prendre décemment des risques. Se lancer dans l’aventure d’une première réalisation était déjà un bien trop grand challenge… Dont Goro peut largement se targuer d’avoir relevé avec les honneurs.

Ce fut un énorme plaisir de pouvoir partager ces moments avec ce réalisateur qui risque fort de faire parler de lui. Qui a dit que le talent ne se transmettait pas de génération en génération ?

Propos recueillis par Fanny Cairon (Paris, mars 2007)