Interview de Bruno Solo au théâtre !

Après avoir laissé son empreinte au cinéma et surtout à la télévision, Bruno Solo a arpenté les planches du Théâtre de Montparnasse pour une nouvelle adaptation de Le Système Ribadier, œuvre majeure du maître du vaudeville George Feydeau. À l’occasion de la sortie du DVD de la pièce, Bruno Solo nous a livré ses impressions sur cette expérience inédite, ainsi que la sortie prochaine de la suite tant attendue de Espace Détente, Le Séminaire.

Le Système Ribadier est votre première expérience théâtrale. Cela faisait longtemps que vous vouliez faire une carrière sur les planches ?
Comme beaucoup, j’ai commencé ma carrière d’acteur au théâtre, mais certainement pas dans des salles où l’on devait payer pour venir me voir. Donc oui, je voulais refaire du théâtre. J’ai eu plusieurs occasions, mais soit je ne pouvais pas parce que j’étais occupé en tournage, soit je produisais autre chose, ou alors on ne me proposait que des choses qui ne m’intéressaient pas. J’attendais vraiment qu’on me propose un grand classique, comme du Feydeau. J’ai attendu, jusqu’au jour où finalement on me l’a proposé, et j’ai dit oui !

Qu’est-ce qui vous a plu dans cette pièce en particulier ?
Déjà qu’on me la propose ! Et puis je voulais vraiment faire du Feydeau, c’était mon auteur comique préféré, et je me suis aussi dit que c’était une pièce que je pouvais jouer. Cette œuvre est extrêmement intelligente, maligne, transgressive, et politiquement incorrecte. Tout se passe bien jusqu’au jour où le système parfaitement huilé de Ribadier est renversé, et l’on tombe dans une farce burlesque.

Feydeau est un génie absolu. Pour moi le film parfait aurait été une pièce de Feydeau mise en scène par Sacha Guitry et avec Charlot pour acteur. C’était l’auteur le plus doué de son époque, il faut se souvenir quand même que ses pièces étaient jouées aux Etats-Unis de son vivant. C’est un type qui a une facilité à l’humour, à la mise en situation, et un sens du rythme absolument incroyable. Cette mise en scène, nous l’avons reprise dans Caméra Café, où il faut jouer dans un cadre limité, allez très vite, réduire les silences. Au niveau du ton aussi, nous nous sommes beaucoup inspirés des pièces de Feydeau.

Vous êtes personnellement fan de ce type de théâtre, le vaudeville?
Non pas particulièrement, je peux autant apprécier un Pirandello, ou un Harold Pinter -surtout Pinter - mais dans le genre Vaudeville, c’est certain que Feydeau est supérieur aux autres. J’aime aussi beaucoup Guitry. J’aime n’importe quel texte, comédie ou tragédie, quand il remue quelque chose en moi, qu’il fait appel à des valeurs qui me sont importantes.

Vous êtes-vous retrouvé dans le personnage de Ribadier ?
On retrouve toujours un peu de soi dans le personnage, surtout au théâtre. J’ai son côté fanfaron, un peu sûr de lui, mais un peu moins dans le côté manipulateur. Son incapacité de fixer ses sentiments sur une seule personne, ce n’est pas tout à fait moi, je suis au contraire quelqu’un de plutôt fidèle, en amitié et en amour. Mes amitiés sont de très longues et de très vieilles amitiés. Manipuler ne me plaît pas. Manier les sentiments quand je dirige, ou quand j’essaye de convaincre un producteur que ce sont mes produits qu’il faut prendre, là oui j’aime bien, mais il faut que cela s’arrête là. Il faut que ça soit une sorte de jeu où les deux côtés en sont conscients. Jouer avec les sentiments où l’on rapproche les gens à des objets, je trouve cela absolument odieux.

Que vous a apporté cette expérience par rapport à votre jeu d’acteur ?
Jouer tous les soirs, devant un public qui n’est jamais le même, c’est une autre expérience. Au cinéma et à la télévision, vous jouez une fois, c’est imprimé instantanément sur la pellicule, et puis c’est terminé. On peut le regarder 10 ans plus tard et se dire : "ah merde je n’aurai pas dû lui jouer comme ça". Au théâtre, cela se joue au jour le jour, tu apprends de tes erreurs de la veille, de la réponse du public. Et puis surtout on joue dans la chronologie, ce qui est une toute approche par rapport à la construction du personnage. J’ai pourtant joué la pièce 50 fois, mais ce soir je suis tout excité à l’idée de remonter sur scène !

Et puis, il y a le plaisir d’avoir une réponse charnelle, instantanée. Au cinéma ou à la télé, on peut l’observer de temps en temps, pendant les avant-premières par exemple, mais sinon elle nous est jamais vraiment visible.

Il y a une super ambiance dans la troupe avec des rapports semblables à ceux que l’on retrouve entre frères et sœurs : c’est à qui se charriera le plus, on essaye en permanence de faire rire l’autre, de tester notre capacité à résister. Je rêvais de travailler avec Léa (Drucker), c’est une grande dame du théâtre. Elle n’avait pourtant jamais fait de comédie alors que cela semblait évident qu’elle était faite pour faire du Feydeau.

Cet esprit de troupe est-il similaire à celui que vous avez pu rencontrer avec Caméra Café ?
Tout à fait. Cela a duré quatre ans donc cette troupe est passée par toutes les galères, il y a eu des moments où l’on s’énervait à n’en plus finir, d’autres où l’on était plus détendu. De toute façon, pour moi, l’art de la dispute est tout aussi intéressant que l’art de l’entente cordiale.
Je n’ai pas fait souvent honneur à mon patronyme, Solo, je l’ai toujours trahi. J’ai toujours beaucoup travaillé avec mon immense camarade Yvan (Le Bolloc’h), et puis oui j’aime bien l’idée de la troupe, je pense qu’on est jamais meilleur que quand on travaille à plusieurs, avec l’esprit de camaraderie qui vient avec.

C’était un peu comme mes premières expériences de théâtre, avec ma troupe de copains que j’ai monté, on se baladait le long de la route, avec des canettes de bières, on faisait un peu n’importe quoi. L’idée de prendre la route, et aller n’importe où, j’adore.

Au sujet de Caméra Café, vous êtes donc en train de terminer la production de Le Séminaire, la suite d’Espace Détente ?
Ah, on a fini le montage aujourd’hui (le 30 septembre 2008, ndlr) !

Ah très bien ! Qu’est-ce que vous nous réservez pour cette suite ?
Même si on a beaucoup aimé le premier et qu’il a eu du succès, avec le recul on a été assez critique. On s’est rendu compte qu’on avait eu une idée qui était trop ancrée dans notre devoir. Nous avions 14 comédiens qui nous ont accompagné pendant 4 ans dans la série. On ne pouvait pas dire à l’un « toi tu joues », et l’autre « toi tu ne joues pas », et donc on a voulu prendre tout le monde. Le problème, c’est qu’on se retrouve avec 14 histoires différentes, un peu dispersées et le film peut devenir trop brouillon. Mais maintenant, beaucoup de nos comédiens ont leur carrière solo, ils battent de leurs propres ailes donc on avait beaucoup moins de scrupules par rapport à qui choisir.

On a ainsi choisi quatre comédiens, à savoir Armelle (Maeva), Gérard Chaillou (Jean-Guy), Alain Bouzigues (Philippe) et Jeanne Savary (Jeanne). Ces personnages retrouvent le mien, Hervé, ainsi que Jean-Claude (Yvan Le Bolloc’h) pour un séminaire de motivation à Paris qui se transforme en évaluation en vue d’un reploiement. La révolte des salariés s’en suit ! Cette fois-ci, nous voulions que l’histoire se suive du début jusqu'à la fin. Nous ne savons pas si le film marchera, mais nous sommes en tout cas contents du résultat !

Adapter Caméra Café au théâtre, c’est une expérience qui vous tente ?
On y a souvent pensé, on nous l’a souvent proposé, mais au niveau de l’utilité, on n’a finalement jamais pensé que ça serait une bonne idée. À nouveau, on retrouve les mêmes problèmes, "qui aurait-on pris, qui aurait-on choisi"… Ce n’est pas facile, comme je l’ai dit, en tant que producteurs, nous avions un devoir envers nos camarades, et la prise de tête l’a emporté sur l’envie. Pour Caméra Café 2 on a décidé de tout changer et de prendre 15 nouveaux comédiens.

Et finalement, vous avez d'autres projets au théâtre ?
Oui, avec Yvan pour la rentrée prochaine en septembre, mais je ne peux pas vous en dire plus. Yvan et moi au théâtre, c’est enfin du concret, depuis le temps qu’on le voulait !

Propos recueillis par Nicolas Ferminet (Paris, septembre 2008)