LE CRIME FARPAIT : Notre interview du réalisateur Alex de la Iglesia !

À l'occasion de la sortie en salle ce mercredi de son dernier film, LE CRIME FARPAIT, le réalisateur espagnol, Alex de la Iglesia s'est rendu en France la semaine dernière. C'est dans une ambiance décontractée qu'il nous a accordé une interview. Rencontre avec un homme drôlement simple !

Comment s'est passée l'avant-première du film à Paris ?
Les gens ont beaucoup ri. C'était archi plein, vraiment génial !

Quel a été le point de départ du film ?
Je voulais faire une comédie dont l'action se passe entièrement dans un centre commercial, un espace fermé, une sorte de huit clos… où il y a un crime. Mais le plus important était de raconter l'histoire d'un homme croyant en la vie et ce qu'elle représente, et qui finalement se rend compte qu'elle n'est qu'un chaos.

Justement, pourquoi utiliser des huit clos, comme dans MES CHERS VOISINS, où l'action se passe presque entièrement dans un immeuble ?
Les huit cols accentuent incontestablement le côté comique. Mais je ne suis pas le premier à utiliser ce genre de procédé qui se révèle être très efficace. Le plus bel exemple est le film de Joseph L. Mankiewicz, LE LIMIER en 1972. Les personnages étant face à face, les dialogues sont aussi importants que les situations comiques et c'est la combinaison des deux qui rend le film à la fois drôle et cynique.

La figure du clown est omniprésente dans le film. Dans le dossier de presse, vous dîtes : « Pour réussir il faut en quelque sorte devenir clown ». Pouvez-vous préciser ? Etes-vous un clown ?
En acceptant la vie telle qu'elle est, nous sommes tous des clowns. Au XXème siècle, on s'est rendu compte qu'essayer de changer les choses était inutile. Mais de là à en accepter la réalité avec cette joie un peu innocente et ridicule du clown… Cela me terrorise. Je pense qu'il faut essayer de révéler cette effrayante réalité à travers l'humour. Être conscient de cette vie et à la fois être cynique et en rire.
C'est la phrase de Beaumarchais : « Je m'empresse de rire de tout, de peur d'être obligé d'en pleurer »…
C'est exactement ça…

Votre parodie de la TV réalité est très drôle. Que pensez-vous de ce nouveau fait de société ?
La télévision est la Bible de la nouvelle religion qu'on nous impose : « l'enfer de la vie ». La Télé nous ment et nous trompe. C'est une fausse réalité que l'on nous vend, qui a envahi tous les foyers. C'est comme si on déposait du poison chez nous pour nous hypnotiser et cela me fait peur…
Je ne suis pas toujours conscient des symboles que je manie dans mes films. Ce sont des choses que je repère par la suite en les revoyant ou en discutant dans les interviews. Je me rends compte que la télévision a toujours été un élément négatif, mais ce n'est pas quelque chose que j'aborde dès le départ…

Pensez-vous d'ailleurs que les journalistes ont tendance à sur-interpréter vos films ?
Je ne pense pas qu'il n'existe qu'une seule lecture du CRIME FARPAIT. Ce serait aller contre le film de ne pas proposer d'interprétations. Les journalistes et les spectateurs ont raison d'essayer de trouver et de proposer plusieurs sens. Le film est beaucoup plus que l'histoire d'un simple crime. Par exemple, dans LA CORDE, Hitchcock ne traite pas seulement d'un meurtre, il y a beaucoup plus que ça derrière. La meilleure façon de déguiser une idée c'est de faire rire. Paradoxalement, la comédie est le genre idéal pour faire passer des opinions sur des sujets sérieux. On parle de choses importantes, sans avoir l'air de le faire.

Y a t-il des éléments que vous auriez voulu mettre dans le film mais qui n'y sont pas ? Si ou lesquelles et pourquoi ?
En effet ! Ça m'arrive à chaque fois. Ce qui nous prend le plus de temps à George (le co-scénariste) et à moi, c'est d'essayer d'accommoder nos idées pour en faire un film qui soit visible, projetable devant le public. Nous avons parfois des idées tellement folles que nous devons toujours essayer de rentrer dans un cadre plus soft. Le moment de l'écriture est en réalité un moment d'auto-censure pendant lequel on filtre nos idées. Il faut trouver des moyens judicieux et softs pour raconter des choses sans avoir l'air de le faire. Par exemple : comment dire à quelqu'un : « tu es une espèce d'ordure dégueulasse » en face, sans qu'il ne se s'en rende compte, de manière amusante et sans qu'il pense qu'on est en train de parler de lui. C'est là tout le travail d'écriture et d'auto-censure…

ALEJANDRO AMENABAR a réalisé LES AUTRES, en co-production avec les Etats-Unis. Ça vous tente ?
Oui. Si le projet est acceptable c'est-à-dire si je peux contrôler un minimum le scénario et le tournage. Dans ce cas-là, ce serait comme jouer en « première division ». J'en serai vraiment ravi. Cependant, je pense qu'il est très difficile de tout contrôler à Hollywood…

Et le cinéma français…
Je rêve de travailler avec Monica Bellucci. Tourner avec elle serait une manière de justifier toute ma vie ! Et si pour cela je dois travailler avec son mari, je le ferais… (Rires) J'adore Jean Reno également, il est l'un des derniers acteurs à avoir un visage très expressif, qui dégage une force incroyable. Il me fait penser à tous ces comédiens classiques qui avaient une expression très particulière dans le regard, reconnaissable entre mille. Et évidemment, j'adore Gérard Depardieu. C'est un acteur hallucinant. J'aimerais autant travailler que dîner avec lui… L'avoir à ma table comme ami et sur un plateau comme acteur.

S'il ne devait rester qu'une seule chose : que souhaiteriez-vous que le spectateur retienne du CRIME FARPAIT ?
Que rien n'est parfait… Tout est FarPait…

Quelle question auriez-vous aimé que je vous pose ?
Tout un tas de questions me viennent à l'esprit, mais je ne peux pas les dire ici et maintenant… (Rires)

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Propos recueillis par Sophie Cucheval (Paris, Mai 2005)