Léa Seydoux en interview pour La Belle Personne

La belle rencontre...

 

Entre deux tournages, Léa Seydoux a pris le temps de venir nous parler du nouveau film de Christophe Honoré, La belle personne. Saluée par la majorité des critiques, la prestation de la jeune comédienne impressionne pour son premier grand rôle. De quoi prendre la grosse tête ? Apparemment pas. Détendue et simple, elle nous parle du tournage et de ses projets.

Comment as-tu rejoint le projet de La belle personne ?
J’ai tout bêtement passé un casting. Mais j’étais un peu âgé pour le rôle car Christophe (Honoré) recherchait plutôt une fille de 18 ans. Pendant le casting j’étais très intimidée. J’avais déjà vu tous ses films. Quand il me posait des questions, il me regardait droit dans les yeux. C’est quelqu’un d’assez charismatique et d’imposant.

Au départ, le tournage était destiné à un téléfilm ?
Quand on a commencé, on ne savait pas et on n’en tenait pas compte. Pour nous, on faisait un film, c’est tout.

J’ai entendu dire que durant le tournage, tu lui reprochais de ne pas te laisser vivre dans le plan ?
Comme je devais tout le temps contenir mes émotions, je ne pouvais pas plus m’exprimer. Je n’avais pas le droit de faire des impros, de déborder du scénario.

Tu avais le sentiment d’être passive ?
Non, pas d’être passive. Plutôt taciturne. Au départ, j’avais l’impression que le personnage était monolythique. En fait, il ne l’est pas du tout.

Comment le personnage s’est-il construit ?
C’est Christophe qui écrit le scénario. Ensuite, il rencontre des acteurs. C’est quelqu’un qui observe énormément et qui n’est pas du tout dans la manipulation. Quand il voit quelqu’un, il se dit : « Tiens, elle correspond à ma princesse de Clèves ». On devient un peu « la chose » de Christophe. Mais ce sont bien les acteurs qui construisent le personnage. Lui, se contente de filmer et d’essayer de montrer sa vision du personnage.

On a l’impression que tu n’avais pas une grande marge de manœuvre ?
C’est pas vraiment ça. Disons qu’il savait que je savais… (rires) La part de mystère était très importante pour Christophe et pour le personnage. Justement, il ne me donnait pas trop d’indications sur le personnage de Junie parce qu’il fallait que je sois un mystère pour lui. Il fallait que je fasse les choses sans qu’il me les demande. Mais j’avais totalement confiance.

Le personnage de Junie te ressemble ?
Pour une part seulement. On est tous plein de personnes à la fois. C’est vrai que pendant longtemps, j’ai beaucoup eu ce côté introvertie. Le côté inadaptée et solitaire, je l’ai aussi. Le fait de ne jamais faire vraiment partie de la bande. Peut-être que je ressemble aussi à Junie sur car on ne peut pas vraiment me cerner en une fois. J’ai l’impression d’être un peu quelqu’un d’ésotérique.

Tu connaissais Louis Garrel ?
Oui un peu. On traînait dans le même quartier et on a eu l’occasion de se croiser à plusieurs reprises. Mais on a vraiment fait connaissance sur le tournage et c’était vraiment sympa. On dirait pas dans le film mais on s’est vraiment marré !

Le cadre d’un lycée a dû jouer pour l’ambiance ?
Oui, on était essentiellement avec des jeunes et c’était très agréable de tourner avec eux.

L’une des motivations de Christophe Honoré était d’apporter un démenti à un discours de Nicolas Sarkozy. Tu rejoins ce côté militant ?
C’est quelque chose qui appartient à Christophe. C’est sa manière à lui de montrer sa révolte face au discours de Sarkozy. Pour lui la culture est quelque chose de fondamental. Surtout à la période de l’adolescence et à l’école où la culture est à la portée de tous. C’est une période où on l’on vit des chocs artistiques très forts. Il ne comprenait pas pourquoi Sarkozy voulait enlever La princesse de Clèves du programme. C’est une œuvre qui traverse les âges et qui fait partie de notre bagage culturel. Je trouve qu’il a totalement raison.

Le film aborde l’adolescence. Le tournage t’a évoqué des souvenirs ?
Non pas du tout. L’adolescence décrite dans le film, elle n’existe pas.

Je pensais au côté « tout se sait », à l’ambiance d’espionnite ?
Non, car j’ai jamais fait partie de bandes. C’était que des boîtes à Bac et j’étais très seule quand j’étais ado. Le système scolaire ne me convenait pas du tout. En fait, je reviens sur ce que j’ai dit. Je pense que certains aspects que montre le film de Christophe, doivent exister. Aujourd’hui quand je vois des jeunes de 15-16 ans, je suis assez frappée de constater à quel point ils font adultes. Les filles s’habillent vraiment comme des femmes. C’est incroyable de les voir avec leurs petits sacs à main, maquillées. Elles veulent déjà le confort d’une femme. Elles se soucient déjà d’avoir un mari qui a les moyens ou d’avoir un petit copain qui pourra les emmener en vacances ou leur acheter des trucs. C’est assez fascinant. Et ça me choque. C’est fou cette jeunesse soucieuse de son confort et hyper matérielle. Même dans le film de Christophe, des figurantes de 16 ans avaient l’air beaucoup plus vieille que moi ! Même dans leur manière d’être : elles n’avaient pas ce brin de folie qu’on s’attend à retrouver.

C’est ton premier grand rôle ? Comment tu vis le passage à la notoriété ?
On m’arrête dans la rue, je signe des autographes… (rires) En fait pas du tout ! Je suis actuellement en tournage donc j’ai même pas vu les affiches dans la rue. Les journaux, j’arrive pas à les avoir car je suis dans un coin un peu paumé ! Non, en réalité, j’ai des amis qui me disent « j’ai vu les affiches dans la rue ». Et puis, pour être connue, il en faut beaucoup plus. Ce truc de la célébrité, j’en ai pas conscience et je n’ai pas encore palpé les retombées.

Tu as une famille qui baigne dans le cinéma. Cela doit être un avantage mais également un inconvénient ?
Non pas du tout. Ça n’a rien à voir. Je crois que les gens sont loin d’imaginer la réalité. C’est facile de dire « elle, c’est la fille machin ». En fait, c’est pas du tout quelque chose qui me définit.

Tu penses avoir encore plus de choses à prouver ?
Evidemment. Je déteste que l’on parle de ma famille. Je remarque qu’à chaque fois que j’en parle, les journalistes ne retiennent que ces réponses alors que je dis plein d’autres choses. Ça m’énerve énormément. En plus, c’est très bizarre car il n’y a que les journalistes qui s’intéressent à ma famille. Dans ma vie ou dans le milieu du cinéma, on ne m’a jamais parlé de ça. Même Christophe, il ne savait pas qui était qui. Surtout, c’est pas très intéressant.

Tu as des modèles qui t’inspirent ?
Oui, j’admire le travail de beaucoup de personnes. Il y a Anna Karina. (rires) Je n’y ai pas du tout pensé pendant le tournage et j’ai été surprise de voir qu’on faisait la référence pour La belle personne. Mais je suis contente qu’on y fait allusion.

Tu t’intéresses à d’autres formes artistiques ?
Je fais de la danse africaine. Et puis, il y a plein de choses que j’ai envie de faire.

Tu n’en resteras pas au cinéma ?
Non je ne pense pas. J’ai envie d’écrire un livre et de réaliser un film. Mais pas tout de suite. Je n’ai que 23 ans, j’ai le temps.

Quels sont tes futurs projets au cinéma ?
Je viens de tourner un film de Jessica Hausner, une réalisatrice autrichienne qui va bientôt sortir. Il raconte un pèlerinage à Lourdes. Ça va être très intéressant je pense. Je tourne actuellement avec Sébastien Lifshitz. Et ensuite ce sera Quentin Tarantino et le prochain Ridley Scott. Pour Nottingham, je ne sais pas exactement quand le tournage débutera. Ce devrait être au printemps prochain mais ça a pris du retard. C’est un peu compliqué, je ne sais pas exactement ce qui se passe.

Et ça fait quoi d’apprendre que l’on va tourner avec eux ?
Je ne m’en rends pas trop compte. Je suis très excitée mais surtout vachement angoissée. J’ai tendance à me dire « Allez, c’est bon je suis assez forte pour y aller » , la méthode Coué en fait. Mais en réalité, je me réveille à six heures du matin avec le cœur qui bat fort…
C’est excitant et angoissant, mais c’est bien.

Propos recueillis par Xavier Lalu (Paris, Septembre 2008)