PAPA : Notre rencontre avec Maurice Barthélémy !

PAPA : Notre rencontre avec Maurice Barthélémy !

« Mon cerveau est structuré en trois parties : une partie est consacrée aux Robins des Bois, une autre à ma propre connerie, et une dernière partie à ma vie et ce qui m'arrive au quotidien… C'est plus cette partie-là qui a écrit PAPA. » Simple, décontracté mais angoissé pour son bébé ou plutôt son PAPA, Maurice Barthélémy, le plus nerveux des Robins, le plus chauve de la bande des poilus de RRRRRRR !!!, le boxeur raté venu d'une autre planète de CASABLANCA DRIVER, attend impatiemment la sortie de son second long-métrage en tant que réalisateur. Car pendant qu'il tournait ses précédents films, sa tête était parfois ailleurs, partie sur les routes de France et de Navarre, à la rencontre de ce papa et de ce gamin, déchirés par un drame mais réunis dans la tristesse et l'amour. PAPA, un titre « évident, simple, pur à l'image du film et de l'affiche » pour une petite lettre d'amour, une histoire belle et courageuse inspirée d'un drame survenu dans sa famille. «Perdre un enfant, c'est ce qu'il y a de pire au monde. Et ce qu'il y a de terrible, c'est qu'on est condamné à ne pas en parler, on est isolé, voire rejeter parce qu'on a vécu ce deuil. C'est arrivé à quelqu'un qui m'est proche, à qui l'on a demandé de ne pas parler de « ça » à table pour ne pas choquer les enfants. Cette anecdote m'avait énormément travaillée, et j'ai imaginé ce qu'il avait pu se passer avant et après. Je l'ai romancée, et décalée entre un père et son fils, ce qui m'a permis de parler de ma relation avec mon propre père, et de ma paternité telle que je l'imaginais, car je n'étais pas encore papa à l'époque. » => Voir la réponse en images

Un cinéaste qui n'a jamais envisagé de parler d'une relation père/fille ou mère/fille dans PAPA « étant donné (s)on sexe »… Et un jeune papa et qui n'a pas encore suffisamment de recul pour dire s'il aimerait changer quelque chose à cette vision imaginée de père depuis l'arrivée de sa petite Tess. Mais l'heureux événement a transformé son point de vue durant le montage : « Pendant l'écriture, quand je n'étais pas encore père et que je n'imaginais pas l'être, j'avais tendance à idéaliser un peu le personnage du père. Alors qu'au montage, je savais que j'allais devenir papa… Du coup, j'en ai fait un thème un peu plus réaliste, et j'ai coupé les scènes où ce père était un peu trop parfait

Maurice Barthélémy, en grand admirateur de John Cassavetes et de Maurice Pialat, voulait faire de PAPA un film réaliste, pudique, et très sincère. Et pour que la magie opère, le spectateur devait oublier que les acteurs étaient en train de jouer :

« Après avoir tourné les scènes telles que je les avais écrites, je laissais libre cours aux acteurs. S'ils avaient envie de rajouter des vannes, ou des choses qui leur passaient par la tête, je laissais tourner la caméra. Et au final, j'ai gardé pas mal de scènes de ce type-là. » Comme cette séquence au restaurant où la serveuse est déguisée en Alsacienne, et où l'enfant demande à son père comment sont habillés les Alsaciens… « Bah pareil» répond Alain Chabat… « Tous ces petits moments de vie totalement improvisés rendent leur histoire encore plus touchante… Ce n'est plus vraiment Alain Chabat et Martin Combes, mais un papa avec son fils. Là est toute la prouesse d'acteurs. » => Voir la réponse en images

Comme le souligne son auteur, PAPA repose entièrement sur les épaules des comédiens, tout simplement époustouflants. « J'ai envie de dire que ce long métrage est un « spleen movie », un road movie qui s'appuie sur des personnages. C'est un film d'atmosphère, où le spectateur est pris en stop par ces deux-là. On les voit vivre sous nes yeux, et, au fur et à mesure, on élabore des hypothèses sur leur histoire : qui est mort autour d'eux, qu'est ce qui s'est passé, où est la mère… Je tenais vraiment à rendre le spectateur actif => Voir la réponse en images
Et consciemment ou non, on embarque, bon gré mal gré, dans la voiture et la vie d'un papa et de son fils de six ans, à travers le passé, les pleurs, les souvenirs mais vers le futur car malgré tout la vie doit continuer… Heureusement, le réalisateur a choisi de ne pas aborder le thème du deuil de manière frontal, et reste toujours dans la suggestion.

Une sensation d'apesanteur, de balade en voiture, une impression bizarre de départ en vacances soulignée par une musique score envoûtante sans être envahissante. « Je voulais une musique un peu référencée à la ARIZONA DREAM, mais pas de guitare, ni de banjo, juste un thème presque classique, très spleen, très langoureux, doux, rassurant… Une musique pour grands espaces… A côté, il y a la musique du père, comme Niagara ou Trust. Et puis ce vieux tube des années 70 chanté par Robert Miras, « Jésus est né en Provence », un peu dans l'esprit de Marie Myriam et totalement kitsch ! Les enfants font parfois des fixettes sur des choses super ringardes, et ça me plaisait que le petit Louis passe son temps à écouter cette musique qui gonfle le père… Mais qui en même temps rassure l'enfant. Comment ça vous voulez que je chante un petit extrait… ?» => Voir la réponse en images

Même si PAPA est, au final, un film simple, tout a été compliqué sur le tournage. «Tourner dans une voiture, c'est un vrai bordel ! Déjà, il a fallu trouver une portion d'autoroute fermée mais en état, avec un marquage au sol… Ensuite, on a tourné à bord d'une voiture travelling avec éclairage spécifique posé sur la carrosserie, donc on ne pouvait pas rouler au-delà d'une certaine vitesse, , le rouli nous a causé des problèmes de son… Et surtout, on tournait en extérieur, donc on était complètement dépendant du temps. Tout aurait pu être un Apocalyspe Now… Mais il y a eu un petit miracle. On a eu un seul jour de pluie. En six semaines, le film était en boîte. » => Voir la réponse en images

Rien n'aurait été pareil sans l'aisance et la maturité du petit Martin Combes. «Trac, gène, fatigue, il y a beaucoup de choses qui peuvent mettre un enfant mal à l'aise sur un tournage. Mais Martin Combes est un acteur d'instinct, il a naturellement tous les trucs que l'on recherche chez un comédien : précision, sincérité, résistance, mémoire, volonté de bien faire, mais aussi un petit côté rebelle qui lui permet de se lancer quand on lui donne la liberté de faire ce qu'il veut. A la fin, je n'avais plus besoin de lui dire grand chose. Avec Alain Chabat, on était tout simplement bluffé. »

En parlant d'Alain Chabat, on a comme l'impression que Maurice Barthélémy ne peut pas s'en passer… Dans CASABLANCA DRIVER, comme dans RRRRRRR !!! écrit en collaboration avec les Robins, l'ex-Nul est toujours là. « Est-ce que je pourrais faire un film sans Alain Chabat ? Oui, bien sûr, mais alors que sur des animaux ! Mais s'il y a des acteurs, je crois que je ferais quand même appel à Alain Chabat… C'est quelqu'un que j'admire, aussi bien en tant qu'acteur qu'en tant qu'être humain. J'ai vraiment écrit ce rôle pour lui, et s'il ne l'avait pas fait, j'aurais vraiment été dérangé… Des gens me disent quand ils sortent du film que c'est le meilleur rôle d'Alain Chabat. Si j'ai pu lui donner ça en retour, ça serait bien. » => Voir la réponse en images

Emouvant sans être larmoyant, PAPA a surtout surpris le public des avant-premières. « Les gens s'attendent plutôt à une comédie de la part d'Alain Chabat ou de moi-même, mais ils en sortent généralement touchés. J'ai l'impression que ce film prend les gens malgré eux, même s'ils sont hostiles, même s'ils n'ont pas aimé CASABLANCA DRIVER ou RRRRRRR !!!. Je revendique totalement ces deux films, mais ici je me suis mis volontairement en retrait, au service d'une histoire et de deux acteurs. » Et la magie opère puisque les spectateurs se retrouvent facilement dans les personnages, les situations. A l'histoire du film vient se mêler les souvenirs d'enfance… « Alors si vous voulez juste passer une heure vingt dans un film à l'opposé de STAR WARS, sans effet spéciaux, un film simple tendre et émouvant… Vous savez ce que vous avez à faire… » => Voir la réponse en images

C'est sûr, PAPA, ça va bientôt être sa fête…

Propos recueillis par Aurélie Maulard (24 mai 2005)