UN CRIME DANS LA TETE : Notre Interview De Jonathan Demme

UN CRIME DANS LA TETE : Notre Interview De Jonathan Demme

Jonathan Demme : Un film dans la tête...
A l'occasion de la sortie de son nouveau film, Un Crime Dans La Tête, Jonathan Demme squattait l'une des plus somptueuses suites de l'hôtel Plazza le 19 octobre dernier. Réalisateur éclectique, connu et reconnu pour l'adaptation des premières aventures du charmant docteur Lecter, on lui dit aussi PHILADELPHIA, LA VERITE SUR CHARLIE et le récent THE AGRONOMIST. Souriant, charmeur et plein d'entrain, le cinéaste et producteur nous explique comment il s'est retrouvé sur ce projet, comment il a craqué sur Meryl Streep, et surtout, comment il a dit non à la guerre.

Comment êtes vous arrivé sur le projet ?
C'est assez original ! En réalité, un jour, mon agent m'a demandé si je serais heureux de réaliser le nouveau film de Denzel Washington. J'avais déjà travaillé avec Denzel sur PHILADELPHIA, et j'étais ravi qu'il ait pensé à moi pour son prochain film ! J'étais vraiment très excité. Mais quand mon agent m'a dit qu'il s'agissait de faire une nouvelle version de THE MANCHURIAN CANDIDATE, je vous avoue que l'excitation est retombée ! Le film de John Frankenheimer était pour moi tellement ancré dans son temps, que je ne voyais pas comment il pouvait être transposé à l'heure actuelle. Puis lorsque j'ai lu le script, je me suis rendu compte que Daniel Pyne, le scénariste du film, avait changé le genre en lui-même, transformant la satyre psychologique en un thriller psychologique, noir et violent. Et là j'étais vraiment très content, je me suis dit que ce serait comme sur LE SILENCE DES AGNEAUX où j'ai pris vraiment beaucoup de plaisir à tourner. Sans oublier que Daniel Pyne a également réussi à ancrer cette version du film dans l'époque actuelle, en montrant par exemple le profit que les multinationales peuvent tirer de la guerre.
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Denzel Washington était donc déjà sur le projet lorsque vous êtes arrivé… Vous ne vous êtes jamais demandé si un autre acteur aurait pu jouer le rôle de Benn Marco ?
Je ne pourrais jamais imaginer quelqu'un d'autre à sa place ! Denzel est l'un des meilleurs acteurs de sa génération. Et puis avoir un afro-américain pour jouer le rôle tenu par un blanc dans le film de Frankenheimer, alors qu'il y a tellement de gens de couleur dans les armées américaines, cela donnait un impact encore plus fort au film.

Pourquoi avoir choisi Meryl Streep pour tenir le rôle principal féminin ?
J'ai toujours rêvé de travailler avec elle… Je pense que tous les réalisateurs en ont rêvé ! Je l'avais déjà rencontré deux fois auparavant, et je l'avais trouvé vraiment charmante. Lorsque j'ai reçu le script, Denzel était déjà sur le projet, mais l'on chuchotait seulement le nom de Meryl Streep pour le rôle de Eleanor Shaw… Dix autres actrices intéressées ! Je les ai toutes rencontrées, et c'est finalement Meryl qui a eu le rôle, parce c'est elle qui avait le plus d'idées pour appréhender le rôle. Lorsque je parlais avec elle de son personnage, j'avais toujours mon carnet pour noter toutes ses idées ! Par exemple, c'est elle qui a suggérer de faire de cette femme une mère aimante. Dans la première version, l'interprétation était vraiment plus stricte, c'était juste de la manipulation pure et dure. J'aime beaucoup ce changement de caractère.

Votre film est plus une adaptation du livre, ou un remake du film ?
Je pense que mon film a beaucoup plus de choses en commun avec le livre de George Axelrod. Car Daniel Pyne, même s'il a pris les éléments qu'il trouvait intéressant dans le film, s'est concentré sur le livre et a tenté d'adapter l'histoire à la situation actuelle. Je pense que c'était un choix très judicieux. Le film de John Frankenheimer est un classique, certaines scènes du film sont cultes. Nous avons voulu éviter de copier ces séquences. C'est pourquoi nous avons essayé de changer le plus de choses possible. Ce film n'est pas un remake mais une nouvelle adaptation.=> Voir l’extrait vidéo

Quels souvenirs gardez-vous du tournage ?
Vous savez cette scène où Meryl Streep entre dans cette petite pièce pour persuader tous les hommes politiques de présenter son fils comme candidat à l'élection présidentielle... Cela nous a pris trois jours pour tourner cette scène, et ça a été l'un des meilleurs moments de ma carrière de cinéaste, d'aller dans cette pièce, de voir Meryl et tous ces autres acteurs jouer entre eux… C'était comme aller au théâtre, c'était vraiment très spécial… J'en garde un souvenir étonnant.

Pensez-vous que le message politique de votre film a été compris ?
Le film est sorti aux USA en juillet, il est toujours à l'affiche et le sera encore le jour des élections présidentielles. J'en suis vraiment très fier. Car plus nous approchons de la date des élections, plus ce film trouve une résonance encore plus forte. Parfois, on parle de notre film en dehors de la rubrique cinéma, dans les édito par exemple, pour parler de la motivation des américains pour la guerre… Je pense que ce film fait partie intégrante du dialogue actuel. Et c'est très important pour moi.

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Pensez-vous que le cinéma peut influencer l'opinion des gens ?
Je pense qu'un film peut influencer une personne, mais pas qu'il puisse changer complètement les choses. Mais je suis convaincu qu'il peut faire changer d'avis une personne : je le sais car ça m'est arrivé ! Lorsque j'étais jeune, pendant la guerre du Vietnam, je suis allé voir LOIN DU VIETNAM, réalisé par Alain Resnais. Quand je suis rentré dans la salle, j'étais pour la guerre… En sortant de ce film, j'étais devenu pacifiste, et je voulais que les Américains quittent le Vietnam le plus vite possible. Parce que dans le film de Resnais, Yves Montand raconte comment les Américains ont sauvé la France des envahisseurs, et comment les sauveurs sont devenus à leur tour des envahisseurs. D'une certaine manière, ce film m'a fait voir la guerre sous un autre jour. Donc effectivement, je pense qu'un film peut changer une opinion de temps en temps… Mais je ne sais pas si c'est le cas sur le mien…
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Propos recueillis par Aurélie Maulard (Paris, octobre 2004)

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