Mardi 17 mai : La météo fait son cinéma… et Jarmusch nous offre un film sublime

Quand la météo fait son cinéma…
Le soleil n'était pas au beau fixe en ce septième jour de compétition… l'ambiance non plus. Seul le premier film de la journée, Rêves de Shanghai du chinois Wang Xiaoshuai, a pu s'offrir une montée des marches ensoleillée. Jim Jarmusch, venu présenter BROKEN FLOWERS, et les frères Dardenne, de retour à Cannes avec L'ENFANT, six ans après leur Palme d'Or très controversée pour ROSETTA, ont dû faire face aux caprices du ciel cannois… Des montées des marches entre deux averses de pluie battante, avec une ambiance très particulière : peu de badauds, des invités qui se pressent de monter, se protégeant tant bien que mal de la pluie et du vent…. Mais le cœur y était, et les spectateurs de BROKEN FLOWERS, dont nous faisions partie, n'ont pas été déçus du déplacement !

Un bol d'air signé Jim Jarmusch…
S'il est un cinéaste américain qui n'a encore jamais déçu, c'est bien Jim Jarmusch. Pourtant très éclectique dans ses genres et ses histoires, de DEAD MAN à Coffee and cigarettes, il présentait hier en compétition officielle son nouveau long-métrage, BROKEN FLOWERS, avec Bill Murray.
Grand favori dans la course à la Palme d'Or, le film a reçu une véritable ovation après sa présentation officielle hier soir. Bill Murray y incarne Don Johnston, un homme d'une cinquantaine d'années, qui, après que sa dernière conquête (Julie Delpy) l'ait quitté, reçoit une lettre anonyme, tapée sur un papier rose, lui annonçant qu'il est le père d'un jeune homme de 19 ans. Son voisin, un détective du dimanche campé par Jeffrey Wright, lui concocte un plan pour retrouver l'auteur de cette lettre. Voilà donc notre Don parti pour une sorte de road-movie à la recherche de soit, un voyage ponctué de rencontres aussi insolites que drôles. Il va ainsi retrouver quatre de ses ex-compagnes d'il y a vingt ans, quatre femmes aux antipodes l'une de l'autre, nous offrant à chaque fois de magnifiques séquences. Sharon Stone en mère de famille d'une ado lolita de 15 ans dans une maison sans prétention, Frances Conroy en bourgeoise coincée pour une scène de dîner d'anthologie, Jessica Lange en communicatrice pour animaux et, pour finir, une country girl campé par une Tilda Swinton méconnaissable. Chacun de ces personnages est parfaitement original, offrant aux spectateurs des moments uniques, ponctués de dialogues succulents.

Un exercice de style remarquable, dont toute la force réside dans celle de ses personnages. Et bien que Bill Murray choisisse un mode d'interprétation très proche de LOST IN TRANSLATION (cf. la scène de l'aéroport, similaire à une séquence à l'hôtel dans le film de Sofia Coppola), ce rôle lui scie parfaitement.
Lors de la conférence de presse de l'équipe, Jarmush a insisté sur son choix de travailler plus sur les personnages que sur le scénario :
« Mes films ne reposent pas spécialement sur une intrigue, ils sont plus centrés sur des personnages. Mais je ne m'intéresse pas spécialement à ce qu'ils faisaient avant le film. Par exemple, avec Don, on ne sait pas ce qu'il lui arrivait avant que Sherry le quitte, et on commence à découvrir son passé, à y réfléchir, à partir du moment où lui-même fait cette démarche. »

Jarmusch nous a ainsi donné, à plus de la moitié de ce festival, le bol d'air frais dont nous avions bien besoin. Sans doute l'un des plus beaux films de cette compétition avec CACHé de Michael Haneke.

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Amélie Chauvet (Cannes, le 18 mai 2005)