20 ans d’écart réenchante la comédie romantique française (Test DVD)

20 ans d’écart réenchante la comédie romantique française (Test DVD)

Du thriller horrifique à la comédie sentimentale, il n’y a qu’un pas que David Moreau franchit avec un certain panache.

En 2006, le jeune diplômé de l’ESRA se lance avec son comparse Xavier Palud dans la réalisation de leur premier long « Ils », un film d’horreur indé basé en Roumanie qui diffuse son inquiétante étrangeté loin des conventions du genre.

Sept ans plus tard, changement de registre : après un détour outre-Atlantique avec le dispensable « The Eye », David Moreau fait désormais cavalier seul et s’attèle à un nouvel univers ultra-codifié, celui de la comédie romantique, une recette dont les anglo-saxons sont passés maîtres en la matière mais souvent réduite ici bas à la singerie ou à la densité d’un téléfilm de M6.

C’était sans compter sur L'Arnacoeur qui en 2010 ouvre une brèche au sein de la comédie française. Sans réinventer le genre, le film de Pascal Chaumeil prouve que la "rom-com" made in France peut désormais rimer avec divertissement de qualité en affichant un goût prononcé pour le second degré, les gags cocasses mais surtout en mettant en vedette un duo d’acteurs irrésistibles dont le charme n’a d’égal que la drôlerie (Duris-Paradis).

Encouragé par le succès critique et public du film (plus de 3 millions d’entrée), 20 ans d'écart réitère la formule enchanteresse de son prédécesseur en troquant le soleil monégasque et sa tranche CSP ++ contre un Paris branchouille et modeux dans lequel officie Alice Lantins, jolie trentenaire dévolue corps et âme à son travail de journaliste pour un hebdomadaire féminin.

Quand cette dernière apprend que le poste de rédactrice en chef se libère dans sa rédaction, ni une ni deux, la belle se lance dans la course au job mais sa rigidité et son manque d’humour vont la mettre sur la touche jusqu’à ce qu’elle réalise que feindre une idylle avec un garçon tombé sous son charme pourrait lui offrir le salut vers sa promotion. Balthazar est sensible, bohème, spontané. En somme tout ce qu’Alice n’est pas. Et surtout, il est très jeune, de quoi rafraîchir l’image acariâtre que traine la journaliste auprès de ses collègues.

Sans échapper au cahier des charges du genre qui - sur la base de la duplicité et des malentendus veut que l’amour reprenne toujours ses droits - 20 ans d'écart apporte un charme et une fraicheur indéniables à la comédie sentimentale.

Fort d’une intrigue encore peu exploitée par la vogue du cinéma romantique français (la différence d’âge dans un couple et, avec elle, le choc des générations) qui potentialise les ressorts comiques par le décalage (on pense à l’arrivée d’Alice dans la fac de son prétendant et le fameux « J’avais perdu ton number », ou le Nesquik qu’elle sert nonchalamment à Balthazar au petit déjeuner), David Moreau signe un film enlevé aux dialogues acérés servi par le jeu sans fausse notes de deux acteurs au diapason (Efira-Niney).

Sur le papier, le couple paraît improbable, presque ridicule. D’un côté le charme gauche de Pierre Niney, de l’autre la volupté explosive de Virginie Efira. Mais à l’écran l’alchimie s’opère, magnifiée par la justesse de partition du tandem. Tandis que Virginie Efira nous prouve qu’elle a bien fait d’abandonner les plateaux d’un célèbre télé crochet, le sociétaire de la Comédie française Pierre Niney nous montre qu’il est aussi à l’aise sur les planches qu’au cinéma, imprimant un jeu nerveux et délicat qui joue sur toutes les cordes de l’émotion.

Si le film échoue à dépasser le “label” comédie romantique en ayant recours à certains poncifs (le milieu de la mode sur lequel David Moreau a souvent la main lourde) et en offrant un final un peu laborieux où les bons sentiments affleurent dangereusement, ses faiblesses sont toujours contrebalancées par sa charge humoristique, naviguant entre le burlesque d’un Pierre Niney, l’auto-dérision d’une Virginie Efira et une poignée de seconds rôles hilarants (Blanche Gardin en tête, suivie de près par Charles Berling).

Avec plus d’ 1 millions d’entrée, le cinéaste montre qu’il a su digérer les modèles anglo-saxons pour y insuffler un parfum d’air du temps (le monde 2.0) et un charme typiquement frenchy qui fait notamment la part belle à la capitale (Paris, son Palais de Tokyo, son siège du Parti communiste français, son canal Saint-Martin etc.), sans passer par le triptyque touristique Tour Eiffel/Arc de Triomphe/Opéra Garnier.

Certes 20 ans d'écart n’a certainement pas d’autre ambition que de faire passer aux spectateurs un bon moment mais il a au moins le mérite de remplir avec brio son contrat de divertissement, revitalisant au passage un genre jusqu’alors moribond.

Les suppléments

Avec sept pastilles d’une moyenne de 3 minutes, les suppléments du DVD apparaissent pour le moins sommaires et anecdotiques.

On découvre en premier lieu une Virginie Efira et un Pierre Niney espiègles et taquins, faisant montre de leur complicité dans une interview à deux voix mi-bétisier/mi-confession qui - à force de faux raccords et de coupures incessantes au montage - devient presque inaudible.
Et si c’est pour vous convaincre de la connivence des acteurs, on vous conseillera de repasser par la case film afin d’éviter de perdre 3 minutes dans ce bonus dispensable dont le seul intérêt réside dans le tombé de robe de Mademoiselle Efira et les yeux égarés de Niney dessus (il faut le voir pour le croire).

Par la suite, les suppléments déroulent leurs incontournables commentaires audio dans lesquels les comédiens (Virginie Efira, Pierre Niney, HPG) égrènent souvenirs et historiettes de tournage. On y apprend pêle-mêle que l’acteur porno HPG est en réalité un garçon très timide, que Virginie Efira mesurait pour la première fois la responsabilité d’un premier rôle et que Pierre Niney n’avait pas le droit à l’erreur pour sa chute dans l’eau lors du shooting. Anecdotique, on vous dit.

Enfin, on finit par une interview 4 minutes chrono du réalisateur David Moreau qui assène des généralités proportionnelles à la vacuité des questions qui lui sont posées, secondée par un micro bonus expéditif et vain sur les coulisses du magazine « Rebelle » pour lequel oeuvre Alice Lantins, le personnage de Virginie Efira.

=> Toutes les infos sur 20 ans d'écart

Mathilde Salmon (11 Juillet 2013)