Babel donne (enfin) un vrai coup de fouet à la compétition !

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Presque une semaine de festival d’écoulée et aucun film ne semblait vraiment se détacher des autres dans cette compétition cannoise cru 2006. Mise à part peut être Volver ou Le caïman, préférés de notre rédaction à ce jour… Mais un mexicain prénommé Alejandro González Inárritu est passé par là et ça change tout. Venu présenter aujourd’hui son troisième long-métrage après Amours Chiennes et 21 Grammes, le surdoué du cinéma latino nous propose un film universel, aux thèmes et idées nombreux et forts.

Œuvre internationale par excellence, Babel se déroule à trois endroits à la fois. Trois pays, trois continents pour trois histoires distinctes mais finalement très liées. L’Amérique à travers les Etats-Unis et le Mexique, l’Afrique avec le Maroc et l’Asie avec le Japon. Trois endroits où vivent des gens, ayant pour seul point commun l’impossibilité de communiquer entre eux. Que ce soit par amour, par problème de langue ou par handicap, tous n’arrivent pas à s’écouter, à se comprendre. Mais, au-delà de ce problème de communication, le film soulève avec une intelligence rare au cinéma des questions aussi vastes et difficiles que la mondialisation, les préjugés ou les idées toutes faites.

Babel est en outre servi par un casting on ne peut plus parfait, et lui aussi international : les Américains Cate Blanchett et Brad Pitt ; les Mexicains Gael Garcia Bernal et Adriana Barraza ; les Japonais Rinko Kikuchi et Koji Yashuko sans oublier les deux formidables enfants marocains Boubker Ait El Caid et Said Tarchani. Tous peuvent prétendre largement à un prix d’interprétation, tout comme l’ensemble du film qui mériterait amplement aussi bien un prix du jury, du scénario (à noter que celui-ci est signé Guillermo Arriaga, lauréat du prix du meilleur scénario l’an dernier à Cannes pour Trois Enterrements) ou de la mise en scène… On va faire plus simple : Babel est, à ce sixième jour de compétition, notre Palme d’or !

A en voir l’engouement des journalistes à la conférence de presse de l’équipe ce matin, il semblerait d’ailleurs que nous ne sommes pas les seuls. De nombreux applaudissements et félicitations ont en effet accompagné l’arrivée du réalisateur et de ses comédiens.
On s’en doutait depuis plusieurs semaines, on en avait quasiment la certitude ces derniers jours, mais bon, on espérait quand même ! Brad Pitt allait-il venir à Cannes ??? Et bien non, pas de Brad pour cause d’arrivée très prochaine d’un bébé dans la famille Jolie-Pitt ! D’ailleurs, l’acteur a même envoyé un mail aux journalistes pour s’excuser de son absence :

De : Brad Pitt
A : Service de Presse / Festival de Cannes
Objet : Babel
Message : En raison de la venue imminente d’un nouveau membre de notre famille, je ne peux pas être ici à Cannes pour présenter le film. Je suis très fier de Babel, je voudrais féliciter toute le monde pour cette réalisation extraordinaire qu’est Babel.
Brad Pitt

Plus sérieusement, Alejandro González Inárritu est revenu sur son film, expliquant point par point ses choix scénaristiques, thématiques, de titre ou de lieu.
La tour de Babel
« Je n’ai pas de leçon particulièrement au sujet de la tour de Babel. Je ne fais pas des films pour donner des leçons ni pour prêcher quelque chose. J’ai trouvé ce titre deux mois avant le début du tournage. Babel résume les problèmes de construction autour de cette tour, notamment ceux de l’incommunicabilité ou des idées préconçues. Le film traite non pas de ce qui nous sépare mais de ce qui nous réunit. Nos problèmes étant les mêmes où que nous vivions. »
Le Maroc et le Japon
« Pour le Maroc, en fait, dans script nous avions prévu la Tunisie mais je connais le Maroc depuis longtemps, j’adore ce pays et ses habitants. J’ai donc voulu tourner là-bas pour des raisons personnelles. Quant au Japon, je l’ai découvert pour la première fois en 2000 au festival de Tokyo. J’en ai gardé un très bon souvenir et y suis retourné plusieurs fois. J’adore la culture japonaise, ce contraste entre futurisme et traditionnel. »
L’objectif du film
« Je souhaitais faire une sorte de radiographie ou de photographie par rayon x du monde. Montrer ce qui se passe en nous. Voir que l’on considère toujours l’autre comme une menace. On n’arrive plus à écouter, à comprendre l’autre. Mon objectif était de faire un film sur les préjugés sans les préjugés. »
La chronologie
« Après 21 Grammes qui était une sortie d’exercice, d’expérimentation où une scène n’avait rien à voir avec une autre, je ne voulais pas jouer de nouveau sur la fragmentation. Babel est donc plus linéaire, plus chronologique. Ainsi, le spectateur n’est pas distrait par la chronologie.
Les liens entre personnages
« Les liens que je voulais créer entre mes personnages ne sont pas des liens physiques. En tant qu’être humain, ce qui vous rend heureux est très différent d’une personne à l’autre, pas ce qui vous rend triste. Ce sont plutôt les malheurs que nous partageons. D’où l’impossibilité d’être touché par amour, d’exprimer son amour. Et cela peut rendre n’importe lequel d’entre nous fou et arriver à tout le monde. Les liens entre les personnages du film tournent donc autour de cela, quelques soient leurs origines ou leur langue, ils ont tous une incapacité à s’exprimer.
Babel est un film sur des être humains, pas sur des Américains ou des Marocains mais sur des êtres humains. »

Pour finir, il semblerait comme je le disais que nous ne sommes pas les seuls à décerner notre Palme d’or à Babel, un journaliste ayant même demandé au réalisateur ce qu’il dirait quand on lui remettrait la Palme d’Or…
« Je suis d’ailleurs désolé de ce qui s’est passé aujourd’hui au niveau de la projection (une coupure de quelques minutes au milieu du film). J’espère que le film survivra ! Je n’ai rien préparé et j’essaie toujours de rester serein et de ne rien attendre. »

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Amélie Chauvet (Cannes, le 23 mai 2006)