Blindness : Nos impressions sur le film d'ouverture !

Fernando Meirelles l’annonce en souriant, il s’étonne encore de voir son film faire l’ouverture des festivités cannoises. Devrait-on y voir un excès de fausse modestie ? Bien au contraire, voici plutôt un gentil avertissement à l’égard du spectateur, car avec Blindness plus d’un festivalier risque d’être remué… et c’est tout à l’honneur du réalisateur brésilien.

En s’attaquant à l’adaptation du roman tant convoité du prix Nobel de littérature José Saramago, le père du Constant Gardener s’était lancé un vrai défi : gérer un projet d’anticipation avec un casting international au rasoir et – bien sûr - sans jamais trahir le matériau d’origine. Verdict sous les palmiers ?
Le sable et le soleil ont rarement dégagé une odeur aussi âcre… et pourtant, on aurait difficilement (et paradoxalement) espéré meilleure mise en bouche du festival.

Ainsi, à travers cette parabole réaliste sur l’égoïsme de l’Humanité, Meirelles nous assène à la fois un camouflet « moral » (sans pour autant donner de leçon) et un uppercut visuel. On pourrait d’ailleurs presque n’apprécier le film que pour l’excellente construction des plans, le travail d’orfèvre de mises en scène et en images et l’attention allouée à la bande son (capitale). Mais Fernando Meirelles est aussi et surtout un foutu conteur et la fable qu’il nous déroule remue des questions qui font du bien parce qu’elles peuvent faire mal.
Portrait de la cruauté et de la folie inhérentes à l’Homme et de la négligence complice de la société, Blindness nous épingle : quels sont les fondements d’une société saine ? Jusqu’où peut/doit-on aller par sacrifice ? Comment (re)gagne-t-on sa dignité ? Sans compter, en plus, tout l’aspect géopolitique qui fait écho au film : tous ces aveugles abandonnés en quarantaine ne sont-ils pas les parias de nos camps de réfugiés, les oubliés de nos foyers sociaux, les déracinés des conflits armés ? Toutes ces victimes que nous avons choisi de ne plus voir, jusqu’à les faire disparaître…
Certains trouveront peut-être le message facile… Peut-être, mais pourquoi n’est-il pas alors tonitruant dans les médias ?

Meirelles nous colle un miroir odieux sous le nez, reflétant - à travers un film cruellement beau – nos angoisses occidentales. A la conférence de presse suivant la projection du film, le réalisateur de La cite de dieu s’en excuserait presque. Danny Glover dira finalement tout haut ce que nous craignons en silence : we don’t see people… et oui, les aveugles c’est nous.

=> Découvrez la bande-annonce de Blindness

Eléonore Guerra (Cannes, le 14 Mai 2008)