Cannes ? Une histoire d'amour

Après un soixantième anniversaire triomphal – qui avait vu l’une des sélections les plus foisonnantes – Thierry Frémaux s’est confié sur sa nouvelle mission en tant que délégué général du Festival de Cannes à un peu moins de quatre mois de la quinzaine la plus glamour de l’année. Après six ans passés au poste de délégué artistique du Festival aux côtés de Gilles Jacob, cette promotion sonne comme « un passage de témoin » selon Frémaux, une marque de confiance que lui porte l’incontournable Jacob (tenant du titre pendant vingt-cinq ans). Une sorte de récompense suite au très beau succès artistique et commercial de 2007.

Si cet amoureux de cinéma ne se prononce pas clairement sur l’avenir du doyen à la présidence du Festival (Jacob est annoncé pour encore deux mandats : 2008 et 2009), Frémaux préfère s’attarder avec fierté sur ce qui fait l’identité profonde de Cannes : un festival ouvert, audacieux dans sa sélection équilibrée entre cinéma d’auteur et films grand public (le bougre ne tarit pas d’éloges au sujet de l’édition 2007 !) et qui accueille les plus grands noms du cinéma contemporain.
Interrogé justement sur une possible « caste de privilégiés », le nouveau délégué général se défend élégamment de toute visée élitiste : « En effet, certains éminents cinéastes s’y sont imposés de façon spectaculaire : Bergman, Fellini ou Antonioni furent des habitués. Aujourd’hui, c’est qui ? Tarantino, Les Coen, Gus Van Sant, Cronenberg, Almodovar, Kusturica, Loach, les Dardenne, et j’en oublie… Excusez du peu ! Que voulez-vous, les grands auteurs font les grands films. »
Très fier puisqu’on vous le dit !

Titillé ensuite sur les « sacrifiés » (comme le maudit Southland Tales de Richard Kelly) et les « refusés » (VERA DRAKE notamment) de la sélection, le chef d’orchestre se défend d’avoir droit de vie ou de mort sur les films proposés, insistant sur l’avenir offert par le public après la quinzaine (comme ce fut le cas pour Mystic River de Clint Eastwood)… tout en concédant que le regard « cannois » exacerbé des professionnels peut être fatal.

Trouvera-t-on un scoop concernant la prochaine édition dans l’interview ? Une info sur le film d’ouverture peut-être (après le cuisant échec de Da Vinci Code) ? Raté. Thierry Frémaux démentira seulement le choix de The Changeling de Clint Eastwood avec Angelina Jolie, toujours inachevé.

Mais rendons le mot de la fin à notre hôte du mois de mai : après avoir (ré)appuyé son choix pour Sean Penn en tant que président du jury (« la star, l’auteur et l’homme »), Frémaux nous rappelle tout simplement que « Cannes est avant tout le grand rendez-vous des amoureux du cinéma et il doit les rester ».

=> Voir notre dossier spécial "Les films qu'on verrait bien à Cannes cette année"

E.G. (Le 29 Janvier 2008 – Avec Le Film Français)