Claude Chabrol est décédé dimanche

Le cinéaste Claude Chabrol est décédé dimanche matin à l'âge de 80 ans.
Le réalisateur des films Le beau Serge, Violette Nozière, La Cérémonie ou encore de Merci pour le chocolat était né le 24 juin 1930 à Paris.

Après une jeunesse dans la Creuse et des études au cours desquelles il côtoie Jean-Marie Le Pen, il participe en tant que critique de cinéma au lancement de la Nouvelle Vague française, aux côtés de François Truffaut et Jacques Rivette, ses collaborateurs aux Cahiers du cinéma.

Dans la revue, il participe à la défense de la politique des auteurs et publie, en 1957 avec Éric Rohmer, un livre sur Alfred Hitchcock, admiré comme celui qui a su imposer son style au système hollywoodien. Il a entre-temps épousé Agnès, une riche héritière qui lui permet de financer la création de sa maison de production. Celle-ci démarre avec un court métrage de Rivette, " Le Coup du berger ", avec Jean-Claude Brialy.

En 1959, il tourne dans la Creuse son premier film, Le Beau Serge, qui devient le manifeste inaugural de la Nouvelle Vague. Claude Chabrol divorce cinq ans plus tard pour épouser la comédienne Stéphane Audran, avec laquelle il entame une fructueuse collaboration, jusqu'à leur séparation, en 1980. Durant cette période, il se fait un spécialiste de l'analyse de la bourgeoisie française. Que ce soit sur le registre de la comédie grinçante ou du polar, souvent associé au scénariste Paul Gégauff, il ne cesse d'en traquer l'hypocrisie, les coups bas et la bêtise, avec une délectation jubilatoire à laquelle participent activement ses acteurs fétiches : Stéphane Audran, Michel Bouquet, Jean Yanne. Il dresse ainsi un portrait sans concession de la France des années 1970, âpre et corrosif, dans des films comme Les Biches (1968), La Femme Infidèle (1969) et Juste avant la nuit (1970).

À la fin de la décennie, il effectue un tournant en optant pour des sujets plus éclectiques et des réalisations parfois moyennes. Sa rencontre en 1978 avec la jeune Isabelle Huppert, qu'il contribue à révéler, est décisive. Violette Nozière, sur l'empoisonneuse parricide qui fit scandale dans les années trente, est leur première collaboration. Avec ce film, on voir que Chabrol aime filmer les monstres (il avait déjà adapté un autre fait divers sanglant dans Landru en 1963 avec Charles Denner). En même temps, il entame avec l'actrice un duo efficace qui touchera tant les rives de la comédie policière (Rien Ne Va Plus) que celles de l'adaptation littéraire (Madame Bovary) ou du film politique (L'Ivresse Du Pouvoir), culminant avec La Cérémonie, adaptée d'un roman de Ruth Rendell, l"Analphabète". Sur un registre plus léger, Claude Chabrol aura également entre-temps joué une délectable partition en compagnie de Jean Poiret, inoubliable Inspecteur Lavardin dans le film éponyme et dans Poulet Au Vinaigre, de la même manière qu'il revient régulièrement au polar provincial, à travers des films comme Au Coeur Du Mensonge ou La Demoiselle D'Honneur.

En 2005, Claude Chabrol a été récompensé pour l'ensemble de son œuvre cinématographique et a reçu le Prix René Clair de l'Académie française.

En plus de ses casquettes de scénariste et réalisateur, Claude Chabrol est plusieurs fois passé devant la caméra, notamment pour son ami Jacques Rivette, dès 1958 pour Paris Nous Appartient, en 1964 dans Durs à cuire de Jacques Pinoteau. Il a également tourné pour Claude Zidi en 1977 dans L'Animal, Virginie Thevenet dans Sam Suffit (1992) ou en 2006 pour Gustave Kervern dans Avida.

En 2007, Claude Chabrol réalise un épisode pour la saga de France 2 consacrée à Maupassant " La Parure ". Et on peut voir sur grand écran La Fille Coupée En Deux, nouvelle analyse acerbe de la bourgeoisie française, long-métrage dans lequel il a dirigé, notamment, Ludivine Sagnier, François Berléand et Benoît Magimel.

L'année suivante, il réalise Bellamy avec Depardieu dans le rôle titre. Il fait aussi un téléfilm : Le petit vieux des Batignolles avec Pierre Arditi.

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Réactions

- Isabelle Huppert - " Il a représenté mes débuts, en tout cas mes quasi-débuts particulièrement significatifs et un futur qui n'en est désormais plus un, on se serait rencontrés encore beaucoup de fois, je pense ". " De film en film j'étais devenue une sorte de double de lui, de sa pensée, de ce qu'il avait envie d'exprimer, il ne me l'a jamais demandé plus clairement qu'en me redemandant à chaque fois de faire des films pour lui ". " Il avait en lui un mélange de froideur, souvent de drôlerie, une qualité d'observation ". " Il m'a filmée un peu comme si j'étais sa fille, il ne m'a pas filmée comme un objet de désir, ce qui façonne parfois une relation entre un metteur en scène et son actrice ". " Ce que je retiens, c'était une forme d'humanisme ". " Il avait les apparences de quelqu'un de simple, il en avait les apparences, mais il y avait quelque chose d'opaque, des mystères ". " C'était un grand sujet de plaisanteries entre nous, il disait qu'il n'avait pas d'égo ". (France Info)

- Gérard Depardieu sur RTL - " Claude était la joie de vivre même, je n'arrive pas à imaginer qu'il soit parti, à aucun moment il ne parlait de la mort ", a dit l'acteur. " Il avait cet amour de la nourriture, du partage, cet esprit drôle, il avait tout, il avait l'histoire du cinéma, la passion, il avait aussi l'enfance, il a le rire, il aussi le plaisir ". " Pour moi il ne répond pas au téléphone, mais j'aime à dire qu'il est là qu'il est présent partout ". Gérard Depardieu avait joué dans Bellamy, dernier long-métrage de Chabrol sorti en 2009.

- Clovis Cornillac sur France 3 - " J'ai l'impression que l'on perd au-delà d'un réalisateur qui a sacrément compté, surtout un camarade, un très très bon camarade (...) un érudit, rigolo, pointu, qui à mon avis, pour tous ceux qui l'on croisé, ça compte, ça laisse pas indifférent". L'acteur qui " vient juste d'apprendre que le gars, il n'est plus tout à fait avec nous, on va dire en chair et en os ", ajoute à propos de cette disparition " ça fait chier quoi ! " Cornillac était à l'affiche aux côtés de Depardieu dans Bellamy.

- Claude Lelouch (RTL) - " Je fête mes 50 ans de cinéma, et pendant 50 ans Chabrol et moi on a voyagé côte à côte, il y avait toujours un film de Chabrol quand je sortait un film, on a été à la fois amis et concurrents. Pour moi, c'est l'aventure de la Nouvelle Vague. (...) Il représente à la fois une révolution et une tradition. Un fois qu'il a été consacré, il est revenu à un cinéma de tradition et c'est tout à son honneur, il a peut-être fait ses plus beaux films quand il respectait les comédiens et surtout les histoire qu'il racontait (...) Je pense qu'aujourd'hui c'est lui qui doit avoir le plus d'humour sur sa disparition. Il mettait l'humour au coeur de tout ses films (...) Ce n'était pas un cinéaste qui pleurnichait ".

- Philippe Bouvard (RTL, Les Grosses Têtes): " Une de ses facettes, et pas la plus négligeable, était d'être le cinéaste le plus gourmand, le plus gourmet et le plus épicurien. Il se vantait d'ailleurs de n'organiser ses tournages en province qu'en fonction des bonnes tables qu'on pouvait y trouver ". Le cinéaste avait suggéré au micro de " fesser cul nu en public " tout ministre qui n'a pas tenu ses promesses ou fait des promesses qu'il ne pouvait réaliser. " Et ça, c'était tout à fait Claude Chabrol qui prenait légèrement les choses graves et avec des choses graves pouvait faire des films légers ".

- Société des Réalisateurs de Films (communiqué) : les co-présidents de la SRF et l'ensemble de son conseil d'administration " saluent l'oeuvre d'un grand réalisateur du cinéma français. Chaque fois qu'un cinéaste disparaît, c'est un regard singulier sur le monde et une expression particulière de notre humanité qui nous manquent irrémédiablement ".

- Véronique Cayla, présidente du Centre national du cinéma (CNC): " Cinéaste inclassable et iconoclaste de la Nouvelle Vague, Claude Chabrol était un observateur acéré et grinçant de la bourgeoisie provinciale, de ses secrets de famille et de ses tabous inavouables, inlassable contempteur de ses vanités et de ses hypocrisies (...) Son oeuvre prolixe et empreinte d'ironie, dissèque sans concession, souvent avec crudité et férocité, les bassesses et les abjections de l âme humaine mais aussi le désespoir des êtres happés par la fatalité et emprisonnés dans des jeux de pouvoir (...) Je veux rendre hommage à l'un des réalisateurs français les plus populaires et les plus attachants, homme malicieux et espiègle, gourmand de tout, dont l'extrême lucidité ne cachait pas l'immense tendresse. Chacun se souvient de sa formidable aptitude à l'enthousiasme et à la jubilation, que son rire légendaire trahissait " (communiqué).

- Pavel Lounguine, réalisateur: " Claude Chabrol était intéressant parce qu'il était un représentant de la vielle France. Il avait un humour immense, de la dérision, était attaché aux plaisirs de la vie. Il vivait près de Paris, et avait son jardin, où il cultivait ses légumes. Il aimait parler de cuisine, était un connaisseur des vins, c'était un épicurien qui savait profiter de la vie. Il avait un extraordinaire regard social sur le monde, un sens de l'injustice. Il ressentait profondément tout ce qui se passait dans la société, réagissait à ses problèmes " (radio Echo de Moscou).

- Jean-Pierre Mocky, réalisateur: " On a traversé cette vie, c'est-à-dire près de 60 ans. On se voyait de temps en temps. On disait jamais de mal l'un de l'autre. C'était une espèce d'amitié réciproque. Ca me fait beaucoup de peine, car lui, il avait du talent ." (LCI).

- François Berléand, comédien: c'était " un amoureux de la vie (...) fou de son métier. Pour moi c'est une grande perte " (LCI).

(12 Septembre 2010 - Afp)

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