Dérapages autour du piratage

Après avoir lancé une polémique à l’Assemblée Nationale hier après-midi en déclarant que l'accès à internet ne pouvait pas "être considéré comme un droit fondamental", lors de l'examen de son texte "Diffusion et protection de la création sur internet", la Ministre de la Culture Christine Albanel a continué de faire parler d'elle jusque tard dans la soirée.

Rassemblement
Une cinquantaine de personnes hostiles au texte internet se sont rassemblées hier soir vers 19h00 devant le Palais Bourbon à l'appel des jeunes socialistes et en présence du député UMP Lionel Tardy. Par cette action "symbolique", le Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS) voulait surtout protester contre la disposition centrale du texte (suspension de l'abonnement en cas de téléchargement illégal répété).
"Cette loi, c'est le premier pas vers une privation des libertés. Le gouvernement ne comprend pas internet, pire, internet lui fait peur !", a déclaré à l'AFP Emile Heitor, 32 ans, qui travaille dans l'informatique et affirme suivre les débats sur internet.
A côté, un groupe représentant les "internautes citoyens", enchaînés avec des claviers et des souris, et un groupe représentant les majors du disque et du cinéma, se sont échangé des slogans pendant quelques minutes.

Dérapage verbal
Un incident a ensuite éclaté dans l'hémicycle après que Christine Albanel eut dénoncé, à propos de la haute autorité de protection des droits sur internet (Hadopi)*, "la caricature affreuse" faite, selon elle, en comparant l'Hadopi à une "antenne de la Gestapo".
"La caricature affreuse qui consiste à présenter cette haute autorité, composée de magistrats, comme une sorte d'antenne de la Gestapo est particulièrement ridicule", a lancé Mme Albanel aux députés de l'opposition, provoquant de très vives protestations.
"Vous présentez cette haute autorité comme une instance policière, dangereuse qui veut attaquer les libertés, c'est honteux", a poursuivi la Ministre en acceptant, à la demande de la gauche, de "retirer le mot Gestapo".

Condamnant "d'atroces dérapages (qui) ne sont pas dignes des successeurs de Malraux (qui avait été ministre de la Culture de de Gaulle, ndlr)" , Christian Paul (PS) s'est exclamé : "vous ne vous comportez pas en ministre de la Culture qui doit "être aussi celui des libertés".
"J'ai été bouleversé par vos propos", a expliqué Patrick Bloche (PS), "à cause de la Gestapo je n'ai jamais connu ma grand-mère maternelle". "Vous avez dérapé comme jamais nous ne l'avons fait. Jamais nous n'avons assimilé le président de la République à un dictateur", a-t-il ajouté en demandant une suspension de séance.

"Votre texte est une atteinte insupportable aux libertés", a fait valoir Jean-Pierre Brard (GDR, PCF) en se référant à "l'avis accablant de la CNIL".
Evoquant les amendements promis pour améliorer le texte, M. Brard a jugé que "l'on ne perfectionne pas ce qui est liberticide on y renonce ou on le confirme".

La séance a été levée avant que les députés n'abordent le coeur du projet de loi, les sanctions pour piratage. Ils en discuteront à la reprise de l'examen du texte, le 31 mars prochain.

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=> Voir aussi Loi anti-piratage : les premières réactions
=> Voir aussi Projet de loi Création et Internet : les points clés

Amélie Chauvet (13 mars 2009)

* (Le projet de loi internet crée cette nouvelle autorité administrative indépendante de 9 membres, la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), qui se substituera à l'actuelle Autorité de régulation des mesures techniques (Armt).
L'Hadopi sera responsable des réponses graduées, allant de l'avertissement jusqu'à la suspension de ligne internet, pour lutter contre le piratage.)