Hier à St Jean de Luz : ''J'ai mangé avec Grégori Dérangère & Richard Bohringer''

Après des débuts très prometteurs, le festival international des jeunes réalisateurs De St Jean De Luz nous réserve décidemment pas mal de bonnes surprises… Retour sur ces deux derniers jours avec notre envoyée spéciale au pays des bérets, de la pelote… et du cinéma !

Mercredi 11 octobre - Pluie du matin n’arrête pas le pèlerin…

Voici qu’en ce deuxième jour de festival, les belles rencontres pointent le bout de leur nez dès le matin à Saint jean de Luz. Pluie du matin n’arrête pas le pèlerin, me dis-je en rejoignant le Grand Hôtel où auront lieu mes premiers entretiens. Je retrouve Aurélien Recoing qui campe avec beaucoup de subtilité un journaliste-pas-vraiment-journaliste, amoureux du personnage de Violette, interprété par Maïwenn Le Besco qui signe également la réalisation du film. Très calme et souriant, ce dernier me raconte l’aventure de ce film, écrit sur le papier dans les grandes lignes mais avec un gros travail d’ « improvisation dirigée » lors du tournage.

Avec beaucoup d’énergie, le premier film de Maïwenn met en scène une jeune femme sur le point de devenir mère qui souhaite ardemment par le biais de sa nouvelle caméra tisonner l’indifférence implacable de son père et révéler à son enfant la vérité qui se cacher derrière ses rapports filiaux houleux. Beaucoup d’autobiographie dans tout cela, of course, mais le film propose aussi une forme visuelle très originale, entre fiction et vidéos familiales. Je quitte Maïwenn entrain de signer des autographes sur des affiches dédiées aux membres du Jury-des-Djeun’s, qui non contents de s’enfiler trois films par jour, s’improvisent également journalistes. Mais oui, j’ai de la concurrence…
=> Voir mon interview de Maïwen n

Je retrouve mes chers Truffaut et Varda pour un déjeuner typiquement basque. Par la fenêtre qui donne sur la mer, le temps s’est à nouveau gâté et le vent est violent. Avant de rejoindre les salles obscures, je décide de rendre visite à Saint Jean de Luz en visitant son impressionnante église où j’imagine des chants basques virils et poignants. Je suis les traces de Louis XIV, en visitant la Maison de l’Infante où cette dernière résida avant d’épouser son Roi Soleil en 1660. Un peu de cours d’histoire ne nous fait jamais de mal…

A 17h15 précises, je suis dans la salle du Rex pour découvrir Le Poulain, premier film du cinéaste belge Olivier Ringier qui filme une très belle histoire d’amour version chevaline. Pom le Poulain et Mirabelle sa maman jument sont séparés à cause de la méchanceté du fils du propriétaire mais heureusement le personnage de Richard Bohringer veille au grain ! Ce film s’adressant en partie aux enfants, les sentiments exprimés par les chevaux impressionnent tout autant les plus grands !

En sortant de ce grand bol d’air des Ardennes, nous voici très vite trempés et dégoulinants pour rejoindre la salle du Jaï Alaï où Les fragments d’Antonin est projeté. Dehors le tonnerre gronde et dedans, le coup de cœur pour ce film est tout aussi violent. Chapeau bas, Monsieur Le Bomin ! Cette histoire de blessures psychiatriques violentes éprouvées par les soldats de la première guerre mondiale est basée sur des images d’archives de l’armée et dès le début du générique, on est pris à la gorge par la force de cette souffrance, matérialisée par des tremblements incessants du personnage principal, incarné avec beaucoup de talent par Grégori Dérangère (Bon voyage, L’Equipier).

La réaction du public est chaleureuse et les questions à l’adresse du réalisateur et de son acteur fusent. Si la tension du film peu à peu se libère de la salle, me voici prise de tremblements mais cette fois-ci provenant du froid car dehors la pluie n’a pas cessé de nous faire sa star. Heureusement, la cuisine basque n’a pas dit son dernier mot et nous voici tous réunis, en compagnie de l’équipe du film, des membres du jury et des potentats de la région dans un hôtel très chic.

A ma table, uniquement constituée de journalistes, s’invite Richard Bohringer. Quelle bonne idée ! Vous connaissez la chanson : « Quand un journaliste rencontre un autre journaliste, qu’est-ce qu’ils se racontent ? Des histoires de journalistes ! » Bref, Bohringer l’Africain, c’est ainsi que j’ai décidé de le baptiser, nous parle de sa passion pour l’Afrique, de son inquiétude envers le départ de ses deux fils en Colombie et de la vie si miséreuse et malgré tout belle de cette Afrique aux mille visages. Suivant avec attention le récit de ce conteur né, je n’arrive plus à avaler le moindre morceau de mon assiette. La chanteuse basque qui ponctue le dîner de ses chants traditionnels n’hésite pas à demander de manière impérieuse le silence. Il lui est déjà arrivé de partir sans demander son reste face à une assemblée trop bruyante.

La voix rocailleuse de Bohringer a fait tourner plus vite les aiguilles de ma montre et il est déjà deux heures du matin quand nous décidons de rentrer ! Les entretiens très matinaux du lendemain nous poussent ainsi à prendre la poudre d’escampette…

Jeudi 12 octobre 2006 - Ma pomme à la table de Grégori Dérangère et Richard Bohringer !

Réveillée à l’heure des poules, je rejoins le Grand Hôtel pour un premier entretien en compagnie d’Olivier Ringier, le réalisateur du Poulain. Ce dernier est bien sympathique et sa joie de cinéaste palpable. Si Olivier Ringier ne murmure pas à l’oreille des chevaux, il avoue avoir surtout œuvré avec beaucoup de patience pour filmer ces drôles d’acteurs. Présenté le matin- même aux scolaires de Saint Jean de Luz, Le Poulain connaît un franc succès, « à la Johnny Hallyday » ajoute Richard Bohringer quelques instants plus tard, assis à la terrasse ensoleillée du Grand Hôtel.

Entre deux entretiens, je tente sans succès de me connecter à internet. Je croise à nouveau les Djeun’s du Jury qui, cette fois-ci écoutent avec attention Grégori Dérangère. Celui-ci est décidément bien craquant ! Mon cœur de midinette se remet à faire des siennes. Enfin, voyons, un peu de self-control, tout de même !
C’est à présent à mon tour de poser des questions au héros de Bon voyage ou du Passager de l’été. Les quinze premiers jours de tournage des Fragments d’Antonin se sont révélés bien éreintants pour Grégori Dérangère, filmé dans ses attitudes de tremblements incessants, de regard fixe et de mutisme permanent. « J’étais content que cela s’arrête parce que toute l’équipe commençait à me regarder bizarrement ! », explique l’intéressé.

Dehors, le ciel d’un bleu éclatant me pousse à demander à Grégori Dérangère une séance photo improvisée avec la mer pour toile de fond. Pas dupe quant à mon état de midinetterie (chouette, un néologisme !) incurable, l’attaché de presse me lance un clin d’œil complice. A ce stade, il n’y a plus de thérapie possible. Aussi, ma pomme n’hésite pas une seconde à proposer de déjeuner en tête à tête avec Grégori Dérangère, avant que ce dernier ne reprenne son avion pour une tournée promotionnelle endiablée.
L’intéressé accepte ma proposition. Roulements de tambour !

Sauf que notre love story s’achève bien vite car mon ami Truffaut-en-herbe fait sa réapparition et un couvert est ajouté, puis c’est au tour de Richard Bohringer de nous rejoindre. Bohringer semble apprécier vivement Grégori Dérangère avec qui il partage la passion des voyages. Bohringer l’Africain explique alors à Dérangère l’Indonésien (il se trouve que ce dernier rêvait d’être guide touristique en Indonésie) combien il est important de conserver une activité autre que celle du cinéma qui dévore tout. J’aime ces deux générations d’acteurs s’écoutent avec respect !

Comme il faut bien une fin à tout et que le bonheur est toujours trop court, Grégori Dérangère file prendre son avion et Richard Bohringer part retrouver un ami. Je décide de me balader dans les rues joyeuses de la cité basque. Je tombe nez à nez sur les membres du jury sur le point d’assister en catimini à la projection de Mon fils à moi avec Nathalie Baye dans le rôle principal. Le film brosse un portrait de mère abusive féroce mais je n peux m’empêcher de remarquer quelques temps morts. Ou est-ce la première manifestation d’une fatigue de festivalière toute légitime ?

Quoiqu’il en soit la journée n’est pas finie, et il s’agit d’être encore en vie pour la projection du film de Bohringer- réalisateur C'est beau une ville la nuit.
To be continued…

=> Voir toutes les infos sur le 11e Festival International Des Jeunes Realisateurs De St Jean De Luz

Laetitia Heurteau (St Jean de Luz, 13 octobre 2006)