La Vénus à la fourrure : une mise en abyme mordante (Test DVD)

La Vénus à la fourrure : une mise en abyme mordante (Test DVD)

Après The Ghost Writer et Carnage, Roman Polanski revient au corps-à-corps avec le cinéma en filmant un huis clos plein de tension qui fait la part belle à Emmanuelle Seigner.

Les défis ne font décidément pas peur à Roman Polanski, qui signe ici un OFNI (objet filmique non identifié) dans sa filmographie. En s'appuyant uniquement sur la performance de ses comédiens, et de leur duel percutant, le réalisateur créé une ambiance bien particulière pour cette Vénus délurée.
Et pour cause, on reconnaît immédiatement la patte de Polanski, par la musique grinçante qui apparaît d'entrée, mais également le jeu du décor et bien sûr l'image rouge, sensuelle, et sombre, propre à la passion ou encore à la déviance du personnage d'Emmanuelle Seigner.

En pseudo-pétasse vulgaire, elle se dépasse en dévoilant à son personnage son talent d'actrice : appliquée, mystérieuse et délicate, mais aussi son vrai caractère : manipulatrice, dominatrice et butée. Face à elle, Mathieu Amalric, qui s'est transformé en réplique exacte de Roman Polanski, solide, c'est un duel, plus complexe qu'on ne le pense, qui est lancé d'entrée de jeu. Le combat commence fort, mais sur le ring que représente la scène du théâtre, les coups sont des mots balancés comme des uppercuts par l'éventail émotionnel déployé par les personnages.

Même si sur le papier, le scénario ne fait pas rêver, c'est surtout pour voir ses protagonistes en venir aux mains que Polanski signe une réalisation, une direction d'acteur et un montage aux petits oignons. Efficace, il met en valeur ses thèmes de prédilection : les rapports de force et la domination. Entre les lignes ce sont aussi tous les éléments de la mise en abyme qui sont abordés : le théâtre, le vrai, le faux, Roman Polanski himself, la perversité, le désir, le pouvoir, sans oublier le quota de sadomasochisme… Autant de possibilités qui embarquent le spectateur dans un exercice de haute voltige. Par les diverses interprétations des acteurs, le dialogue se mue en une joute verbale profonde, balisée de vérités qui font tomber les masques.

Succube bicéphale, Emmanuelle Seigner est sans conteste la clé de cette réussite. Dans un nouveau huis clos Polanski montre un peu plus son génie de la mise en scène et redéfinit le "théâtre filmé". La Venus à la fourrure insuffle un élan de passion sensuelle, mais surtout une folle envie de se replonger dans la filmographie de ce grand monsieur du cinéma.

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Lysiane Tréguier (16 avril 2014)