Le héros de la famille serait-il le compositeur David Moreau ?

Le Héros de la famille de Thierry Klifa fait partie des films français marquants de l’année 2006. Dans les décors du Perroquet Bleu, entre cabaret et show, une famille se décharge de ses secrets, se lie et se regarde enfin en face sans tabou. Mais que serait Le Héros de la famille sans sa bande originale ? Sans doute plus le même film, ici la musique est un personnage à part entière qui rythme l’histoire et lui insuffle la vie.
Les mélodies sont inspirées des icônes jazz des années 50, dans une version acidulée et légère. La musique, à travers ses notes toniques et ses voix suaves, nous confie simplement que sous les apparences il y a toujours un être emprunt de douleurs.

Derrière ces 17 morceaux, un homme, David Moreau. Plus connu pour ses compositions pour la télévision, il signe pourtant ici sa troisième collaboration avec Klifa. Le compositeur a du travailler à partir d’une dizaine de titres sélectionnés par le réalisateur en jouant sur un croisé entre le cabaret et les chansons jazzy des années 50. Pas facile de s’attaquer à des mythes du jazz, comme les célèbres Sarah Vaughan et Ella Fitzgerald. Un autre défi, faire chanter Emmanuelle Béart et Géraldine Pailhas qui, malgré leurs facilités vocales, restent des actrices et non des chanteuses. Un grand challenge musical sur lequel repose finalement toute la réussite du film.

David Moreau a-t’il triomphé sur les obstacles ? Globalement oui. Le cd est assez inégal mais deux ou trois morceaux suffisent à pardonner. Le titre La Rose interprété par Géraldine Pailhas est tout simplement envoûtant voire déroutant. On est séduit par la voix fragile à « fleur de mot » de l’actrice, qui communie avec les notes de piano le tout dans la simplicité et l’émotion. Le morceau se détache du reste du cd et nous plonge quelques minutes un peu plus en nous-mêmes. Il s’agit d’une reprise de la version de Sarah Vaughan, chanteuse qui compte incontestablement parmi les plus grandes voix que le jazz ait enfantées.

Bien sur, coup de chapeau à Emmanuelle Béart qui porte de sa voix chaude et sensuelle six titres de l’album. Elle dit avoir le plus vibré sur I had to be you et Taking a chance on love de Ella Fitzgerald et ça se sent ! La célèbre chanson Histoire d’un amour lui va également à merveille et colle très bien à ce qu’elle est, les imperfections de sa voix jouent en sa faveur et donne un ton bien vivant à la chanson.
Coup de cœur pour le Ho capito Che ti amo de Catherine Deveuve qui rejoint le podium, malgré tout assez limité, des morceaux vibrants de l’album. Le cd s’articule ainsi autour de reprises, thèmes musicaux tragiques et anciens succès de Line Renaud ou de Sarah Vaughan. Mariage fort délicat mais pas si mal réussi que ça, bien que les titres de « The Divine » Vaughan – entre autre Time after time - rappelle avec une évidence presque insolente ce qu’est la vraie musique, celle qui nous transperce et nous fait planer. Au final, malgré les vois chaudes des interprètes, les accompagnements musicaux restent assez simplistes et sont desservis par les notes criardes du « synthé ». En incluant les versions originales de chanteuses mythiques, la nouveauté souffre forcément de la comparaison… Pas facile du faire du neuf avec du vieux ! Surtout quand il s’agit de légendes…

Néanmoins, cette simplicité musicale aux notes acidulées est certainement ce que recherche le réalisateur pour servir son film où le show léger cache la fragilité et l’obscurité des personnages. La musique de film ne veut pas prétendre rivaliser avec la musique avec un grand M… Alors tout de même, bravo !

Florence Rochat (28 décembre 2006)