'Paranoïd Park' de Gus Van Sant : Premières impressions

Peu de réalisateurs savent filmer la lourde période que représente l’adolescence. Certains diraient qu’il existe deux écoles : la version édulcorée/déjantée dans laquelle le roi et la reine de la promo finissent heureux dans une maison de banlieue ; ou bien l’enfer trash (suivez mon regard monsieur Larry Clark) souvent juste, mais légèrement rebutant pour le grand public (sex, drugs and rock’n roll).

Cette vision bipolaire – et limite schizophrène – est, bien sûr, beaucoup trop schématique pour refléter la réalité, ne serait-ce que par son occultation de toute une vague indé du cinéma US qui gravite entre les deux extrêmes.
Et puis surtout, on en oublierait presque l’incarnation du parfait équilibre : Gus Van Sant. Mala Noche, My Own Private Idaho ou Elephant, rarement on se sera penché sur l’adolescence afin d’en tirer un portrait pudiquement lucide et juste.

Paranoid Park (dont les protagonistes sont encore plus jeunes que ceux d’Elephant) ne déroge pas à cette respectable règle. Tout en pudeur, Van Sant suit en musique et en aérienne beauté les errances d’Alex dont le secret est trop lourd à porter.

C’est tout simplement beau.
Peut-être un peu trop « malheureusement ». Splendides mouvements de caméra, audacieux format 1.37, ralentis soignés, longs silences révélateurs et toujours ces mêmes interrogations existentielles si compliquées à exprimer par le(s) héros.
C’est splendide. Alors qu’est-ce qui nous gêne ? Certaines longueurs, des ralentis à foison et parfois redondants… et un je-ne-sais-quoi de trop contemplatif.

Pourquoi 3 étoiles alors ? Parce qu’on n’a pas envie de se laisser aveugler par la (mini) déception née de nos dithyrambiques attentes. Parce que, même si Paranoid Park n’est pas le meilleur film de Gus Van Sant, il représente tout de même clairement le haut du panier cinématographique (cannois ou pas).
Tout simplement.

Eléonore Guerra (Cannes, le 21 Mai 2007)