Retour sur notre week-end à Venise...

Tutti va bene à la 65ème Mostra d’Arte Cinematografica, autrement dit le Festival de Venise. Ici sur la lagune un article titre "Com’è bella la festa quando arriva George", et ses photos avec son pote Brad étaient déjà sur commeaucinema. Il y a donc eu en ouverture le nouveau film de Joel et Ethan Coen, venus avec George Clooney et Brad Pitt (très généreux en autographes) et les actrices Tilda Swinton et Frances McDormand. Qu’on se le dise, ce nouveau Coen, Burn after Reading est plutôt un bon cru. Dès le lendemain c’était Takeshi Kitano qui était là pour son film Achille et la tortue avec l’actrice Kanago Higuchi, et Shirin de Abbas Kiarostami (avec Juliette Binoche), alors que le doyen des cinéastes Manoel De Oliveira présentait un court-métrage.

Nous voici donc une nouvelle fois à Venise où on laisse les gondoles pour le vaporetto direction l’île du Lido où se tient le Festival et son tapis rouge gardé par des lions d’or. Evidemment il faut jongler entre les différentes salles et horaires qui se chevauchent et faire des choix… Voici quelques événements qui ont marqué ce week-end de début de Festival vénitien…

Vendredi 29 août

 

Jay
Comme le nom de son réalisateur Francis Xavier Passion ne l'indique pas, c'est un film qui vient des Philippines. Jay est un jeune homme qui a été retrouvé mort poignardé de huit coups de couteau. Sa famille semble apprendre la nouvelle à la télé, sa mère est dévastée de chagrin. Un reporter et son cameraman arrivent pour filmer ce drame, avec l'enterrement et interview des proches, et la vague promesse que la diffusion de cette histoire à la télé pourrait aider à l'arrestation du coupable.
La personnalité de Jay est décrite avec divers témoignages en même temps qu'est filmé apparemment en direct le quotidien de la famille suite à cette épreuve. Mais le reporter fait croire à des images documentaires alors qu'il met en scène des séquences avec des répétitions ; la mère doit simuler des pleurs... Il va jusqu'à faire rejouer aux policiers l'arrestation d'un suspect, qui en profite pour s'enfuir. Jay montre comment la télévision déforme la vérité (l'éthique journalistique n'existe pas) et joue avec le pouvoir des images (simulacre/simulation). Le film est un peu long à se mettre en place, mais il devient de plus en plus plaisant de mesurer des manipulations du reporter…

Cry me a river
Avec ce court-métrage, Jia Zhang-Ke (Lion d’Or en 2006 avec Still Life) revient à la fiction de belle manière. On y découvre différents couples qui ressentent la modernité de la jeune génération. Un nouveau désir de séduire ainsi que des hésitations sur l’avenir…

Tedium
C’est un film surprise dont le titre n’a été dévoilé que sur place, il est réalisé par Bahman Motamedian. La surprise est qu’il vient d’Iran et qu’il raconte les états d’âmes de transsexuels à Téhéran ! Des hommes qui aiment les hommes, se maquillent comme des femmes et portent même le voile. Une fille s’est coupé les cheveux et s’habille en garçon, un père de famille est devenu femme. Est-ce une perversion ?
Ils sont l’objet de moqueries et de rejets, et portent la honte sur la famille. Ces garçons/filles se retrouvent entre eux pour parler de leurs problèmes et se confient face caméra aux spectateurs, par exemple un garçon habillé en fille ne peut conduire une moto et une fille habillée en garçon ne devrait pas conduire une voiture. Pour les uns, ils ne sont en fait ni homme ni femme et sont dans le pêché par rapport à la religion, pour les autres ce n’est pas l’apparence ou le physique qui devrait faire de quelqu’un un homme ou une femme.
Tedium évoque autant un trouble de l’identité sexuelle que les troubles que ça provoque dans la société iranienne.

Stella
Le nouveau film de Sylvie Verheyde est le coup de cœur de la journée. Stella est une fillette qui fait sa rentrée en classe de 6ème dans un nouveau collège plus huppé que le milieu populo d’où elle vient. Elle grandit dans un café-hôtel que tiennent ses parents, un endroit avec ses fidèles piliers de bar. On est en 1977 et c’est l’époque des disques vinyles de Sheila et d’Eddy Mitchell.
L’univers de Stella est la salle bruyante du café où elle connaît les habitués, et où ses parents la laissent livrée à elle-même. Dans son collège elle va découvrir un autre monde avec sa copine Gladys et les autres élèves qui font de la danse et lisent des livres…
Au casting Guillaume Depardieu, Johan Libéreau, Benjamin Biolay (le père), Karole Rocher (la mère, formidable) et Stella est jouée par Léonora Barbara, une révélation. Stella refuse d’abord de s’adapter mais peu à peu elle va comprendre qu’elle a peut-être une chance…
Depuis Princesses, Sylvie Verheyde a travaillé au scénario de Scorpion (finalement mis en image par Julien Séri) et a dirigé un Sang froid (avec Laura Smet et Benjamin Biolay) récemment diffusé sur Arte. Stella marque son retour en salles de cinéma en tant que réalisatrice. Si on a vu quantité de films sur la fin de l’adolescence, ici il s’agit de la fin de l’enfance avec la première boum, le premier béguin, la résistance aux règles, la compréhension du monde adulte…
Stella est un vrai rayon de soleil. Venise ? Un coucher de soleil à Venise c’est magnifique, sur le Lido il se couche vers 20 heures, ce qui est loin d’être le cas des festivaliers…

Samedi 30 août

 

The Burning Plain
Guillermo Arriaga porte avec ce film pour la première fois la casquette de réalisateur. Il est l'auteur des scénarios mis en image par Alejandro Gonzalez Inarritu ou par Tommy Lee Jones (Trois enterrements, prix du scénario à Cannes). Le film débute par un mobil-home qui brule (c’est aussi ce qu’on voit sur l’affiche du film), et on se doute qu’il va s’agir d’un événement clé, car une nouvelle fois il nous fait suivre plusieurs moments dans le temps de plusieurs personnages dans différents lieux qui vont être reliés ensuite par l’histoire. On découvre Charlize Theron en gérante de restaurant mal dans sa peau qui porte visiblement un lourd passé, et il y a Kim Bassinger en mère de famille mal dans son foyer qui se transporte vers un amant. Il y a aussi leurs enfants qui ressentent un mal-être, bref chacun a des secrets. Des cicatrices vont se faire qu’il va falloir guérir, Kim Bassinger va faire imploser sa famille tandis que Charlize Theron va essayer de recomposer sa famille…The Burning Plain ne provoquera pas vraiment de surprise mais on se laisse facilement emmener par ce nouveau film de Guillermo Arriaga.

Inju, la bête dans l'ombre
Le réalisateur Barbet Schroeder profite de l’imagerie du Japon pour en faire un décor pour une sorte de thriller vaniteux et littéraire. Benoît Magimel est un écrivain à succès qui part à Kyoto pour la promo de son livre, il voudrait en profiter pour rencontrer Shundei Oe le célèbre auteur japonais qui le passionne mais dont la véritable identité est secrète. Lors d’une émission de télé il est menacé par téléphone, puis il rencontre Lika Minamoto qui est une geisha elle aussi menacée, serait-ce par Shundei Oe ? Si le film débute sous les meilleures auspices et qu’on espère un thriller sophistiqué on déchante assez vite. La bête dans l’ombre va se découvrir dans quelques jours, puisque sa sortie est le 3 septembre en France. Machiavélique ou abracadabrant ? Vous pourrez voir ça par vous-même...

Venise ? En se promenant par hasard derrière le Rialto on entend de la musique, et on arrive à Fabriche Nuove en pleine Festa di Liberazione Comunista, c’est une fête aux allures de kermesse au bord de l’eau, Bob Marley chante Let’s get together and feel alright…

Dimanche 31 août

 

Ponyo sur la falaise, près de la mer
C’est l’évènement du jour, enfin un nouveau film d’animation de la part du maître Hayao Miyazaki ! On se retrouve vite dans son univers avec une première séquence sans dialogue accompagnée de la musique de Joe Hisaishi : on est sous l’eau avec un homme dans une bulle sur son bateau, et un petit poisson sort en cachette et profite d’une méduse pour monter vers la surface.
Il est recueilli par un petit garçon qui lui donne le nom de Ponyo, ce poisson-rouge va parler un peu et ils vont vite s’aimer. Sa maman s’occupe de personnes âgées et son papa navigue en pleine mer. Voilà que Ponyo est recapturée par le sorcier aux élixirs, puis devient une fillette et est de retour chez le p’tit garçon. Mais l’homme qui vit en harmonie avec l’océan est contre les humains qui polluent, alors la mer gronde et se fait tempête jusqu'à menacer tous les habitants…
L’animation de Hayao Miyazaki est toujours aussi charmante avec même quelques scènes qui sont de véritables feux d’artifice de couleurs. On trouve dans ce film une certaine naïveté qui le destine peut-être à un public plus jeune que celui qui suit les œuvres de Miazaki. En fait l’histoire de Ponyo est semblable à celle de la petite sirène, mais avec un peu de magie en plus.

Plastic city
Un film de Yu Lik Wai avec Anthony Wong ne se passe pas forcément en Chine, celui-ci se déroule au Brésil ! Là-bas, beaucoup d’immigrés ont développé des affaires qui rapportent à la limite de la légalité. Quelques asiatiques ont comme activité l’importation de contrefaçons, et comme c’est un marché lucratif, il y a des rivalités entre différents groupes mafieux et de la corruption de fonctionnaires.
Yuda (Anthony Wong) et son fils adoptif Kirin (Joe Odagiri) qui détournent les quotas d’import/export commencent à devoir faire face à des négociations difficiles et à des extorsions, et Yuda se retrouve en prison. Alors que la première moitié du film est très convaincante, le réalisateur change de cap pour aligner quelques séquences d’action comme un cheveu sur la soupe. Il nous entraîne alors dans une jungle avec les deux héros qui poursuivent une quête. Avec une fin psychédélique ou métaphysique au choix, ce film ne laisse pas indifférent.

Venise ? Sur l’isola San Pietro quand il fait nuit, si on passe par le cloître où ne voit rien on peut se faire peur… comme au cinéma !

=> Voir toutes nos photos inédites de Venise !!!

Christophe Maulavé (Venise, 29 et 30 Août 2008)