Shame, une oeuvre noire éblouissante (Test DVD)

Shame, une oeuvre noire éblouissante (Test DVD)

Un homme est allongé sur son lit. Livide. Des draps bleus couvrent son sexe. Lueur blanchâtre. Le regard fixe, perdu dans le vide. Il semble mort. Il cligne des yeux. Il est pensif. Il se lève. Hors champ, il ouvre les rideaux. Lumière sur les draps froissés. Un titre : SHAME (honte).

Voici le premier plan du film. Voici Brandon. Brandon est seul. Il enchaîne les conquêtes féminines. Le sexe, il en abuse, désabusé. Il est addict. Sous ses airs de golden boy sûr de lui, Brandon est tourmenté. Sa sœur Sissy (Carey Mulligan), qui débarque chez lui, ne l’est pas moins, perdue, déjantée. Brandon la rejette, ne voulant pas affronter son propre reflet dans la souffrance de sa semblable. La jeune femme vient chambouler cet équilibre qu’il tente de se donner à travers une vie ordonnée : appartement rangé, habitudes installées... Mais ses démons sont bien là, à le ronger.

Après avoir montré la décadence d’un corps en mettant en scène le combat de Bobby Sands dans Hunger, le réalisateur Steve Mc Queen retrouve l’impressionnant Michael Fassbender pour filmer, cette fois, la décadence d’une âme. Dans une atmosphère pesante, on suit, accroché au siège, cet être qui se détruit dans ses pulsions à travers une mise en scène de plus en plus tendue.

Le sexe, objet de désespoir, est filmé autrement. Froidement. Via cette honte qui habite Brandon. Ainsi cette scène où, caméra au poing, on assiste à une partie de sexe à trois sauvage. Et pourtant, pas de bruits de coïts, pas d’exaltation enflammée, seulement cette superbe musique d’Harry Escott qui résume tout le tourment de cet homme, en plein acte.

Vous l’aurez compris, ce film n’est pas à voir un dimanche après-midi d’hiver. Mais Shame pénètre. Shame bouscule. Steve Mc Queen nous livre un film noir, très noir, aux scènes parfois éprouvantes. Avec comme sujet cette hypersexualité, le réalisateur ne tombe cependant pas dans l’obscène ou la pornographie mais nous offre une œuvre d’une sensibilité désarmante, dont vous ne sortirez pas indemnes.

Le DVD

En bonus, on trouve seulement une interview croisée de Steve McQueen et Michael Fassbender, qui analysent différents points du film. Ils ont beaucoup de choses à dire, dommage que ça ne dure que quinze minutes.

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Marie Devier (26 Avril 2012)