The Prodigies sous toutes les coutures (test DVD)

Un livre sombre et violent

Cela se passe, une nuit, dans Central Park, à New York : des adolescents sont sauvagement agressés, battus, violés. Mais ces jeunes ne sont pas comme les autres : ce sont des enfants génies. De l'horreur, ils vont tirer contre le monde une haine froide, mathématique, éternelle. Avec leur intelligence, ils volent des centaines de millions de dollars, ils accumulent les crimes parfaits.

Paru en 1981, le roman paranoïaque de Bernard Lenteric faisait figure de curieux précurseur. Mettant en scène de cruels génies gamins (puis adolescents) baignant dans un univers de manipulation informatique, La Nuit des Enfants Rois surprit… lorsqu’elle ne choqua pas.

20 ans plus tard, que reste-t-il de cette sombre œuvre d’anticipation ? Le cinéaste Antoine Charreyron s’est posé la question.

 

The Prodigies : l’adaptation d’un œuvre réputée… inadaptable

Oui, inadaptable du fait, notamment, de l’effrayante jeunesse des protagonistes (ils ont 5 ans au début de l’histoire) difficilement compatible avec leurs actes glaçants et meurtriers. Compliqué également de retranscrire fidèlement (et sans plomber le sujet) la manipulation flippée – mais totalement abstraite (vive les maths !) – qui traverse le roman à l’ère de l’Internet tout puissant.

La solution ? Antoine Charreyron semble l’avoir trouvée : foutre un grand coup de pied dans les conventions - aujourd’hui rouillées – du bouquin et tenter un coup de poker en faisant confiance à l’animation.
Modification de taille, les sept discrets enfants rois surdoués deviennent cinq ados à l’intelligence phénoménale hyper médiatisée et (surtout) dotés de puissants pouvoirs télékinésiques. Dites bonjour à une bande d’Einstein/X-Men sanguinaires en baskets.

Il fallait oser et c’est suffisamment gonflé pour marcher. The Prodigies, sombre, violent et cruel à souhait n’est pas loin de faire honneur à son ambition… si ce n’était un réel problème esthétique. Visiblement gêné par un flagrant manque de moyens, le film de Charreyron (pourtant le fruit d’une coopération européenne) boîte, handicapé malgré-lui par une animation audacieuse mais pas toujours fluide et une 3D pas assez aboutie.

Dommage, car on se prête à rêver ce qu’auraient pu nous offrir le réalisateur et son équipe si on leur avait donné le budget d’un Kung Fu Panda 2 ou d’un Cars 2.

 

Le DVD

Concernant la sortie DVD (et Blu-Ray) de The Prodigies, l'équipe d'Antoine Charreyron fait preuve de la même générosité sincère qui caractérise le film. Ainsi, passé le menu (qui a d'ailleurs de la gueule), on peut se plonger avec plaisir dans un making of de trente-cinq minutes explorant en détails le cheminement du projet. Des séduisantes participations de Viktor Antonov, Umberto Ramos et Francisco Herrera (les deux derniers étant des transfuges de chez Marvel), au travail sur l'animation en passant par le procédé de performance capture, tout y est, ou presque.
Pas de lézard non plus du côté du commentaire audio d'un Antoine Charreyron toujours aussi enthousiaste... qui avoue tout de même à plusieurs reprises que le budget serré de The Prodigies a souvent plombé la dynamique de ce beau projet international.

 

Un artbook révélateur d’une ambition contrariée

La preuve en est certainement The Prodigies – Artbook. Ce livre, signé Antoine Charreyron et Viktor Antonov (créateur de l'univers original du film) présente, à travers toute une série de dessins préparatoires, le « processus créatif qui a permis en 5 mois de traduire en images cette histoire sans concessions traitant de la question de la rage sombre de l'adolescence », dixit les auteurs.

Une démarche artistique radicale et réellement ambitieuse puisqu’on vous le dit…

Les infos
* La Nuit des Enfants Rois de Bernard Lenteric, chez Calmann-Levy. Disponible.
* The Prodigies d’Antoine Charreyron, disponible en DVD et Blu-Ray.
* The Prodigies – Artbook d’Antoine Charreyron et Viktor Antonov, chez Vents d’Ouest. Disponible.

Eléonore Guerra (27 Octobre 2011)