Troupe d'élite 2 : le digne héritier (test Blu-Ray)

Devenu colonel, Nascimento (Wagner Moura) est chargé de maîtriser une émeute dans l’une des prisons les plus violentes du Brésil. Alors que le BOPE (Bataillon des opérations spéciales de police), mené par Matias (André Ramiro), est contraint d'accepter l'intervention d'un intermédiaire (Fraga, un activiste en guerre contre le système politico-carcéral) la situation dégénère rapidement et tourne au carnage. A la fois haï et salué, Nascimento est démis de ses fonctions et nommé à un secrétariat d’État. Et ce qui devait être une mise au placard dorée va finalement lui ouvrir les yeux sur une corruption régnant jusqu'aux plus hautes sphères de l’Etat.

Ours d'Or lors 58ème Festival International du film de Berlin 2008 (présidé, à l'époque par Costa-Gavras himself), l'excellent Troupe d'élite avait fait parler de lui. Pas seulement pour cette récompense "polémique" (certains pointant du doigt un film "fasciste"), ni parce que le film de José Padilha avait été vu par plus de 11 millions de Brésiliens avant même sa sortie en salles, mais parce que cette plongée punk dans l'enfer des favelas se révélait d'une puissance narrative et visuelle ahurissante. Instantanément devenu culte, Troupe d'élite a aujourd'hui droit à sa suite : Troupe d'élite : L'ennemi Intérieur. Bonne ou mauvaise idée ?

Bonne, bonne, BONNE ! En effet, alors qu'on aurait pu craindre une redite 2.0 du premier volet, José Padilha fout un bon coup de pied dans nos attentes et pond un film encore plus dérangeant. En confrontant Nascimento - et le spectateur - au vénéneux système politique brésilien, le cinéaste fait valser nos certitudes et traîne sa caméra dans les caniveaux du pouvoir pour mieux en ausculter les arcanes.

Aussi à l'aise dans des séquences chocs qui ont fait sa réputation (la scène d'émeute dans la prison en ouverture du film ou celle de l'assaut de la favela sont à couper le souffle) que dans la construction d'une intrigue complexe à triple-fond, le cinéaste ose un long-métrage nerveux et foisonnant, véritable plaidoyer pour un grand nettoyage des institutions. Entre bons et méchants, Nascimento (Wagner Moura, impeccable) navigue et voit tanguer ses principes. Plus humain, plus complexe, le personnage est à l'image du film, plus abouti que le chien fou Troupe d'élite.

C'est sûr, José Padilha n'a rien perdu de sa rage, ni de son engagement politique provocateur. Convoquant esthétique pop et dénonciation politico-socio-économique (rien que ça !), le bonhomme - en perpétuelle interrogation citoyenne - pose crûment la question de la responsabilité des élites et de chacun dans un système vérolé à l'extrême. Si (du propre aveux de Padilha) Ônibus 174 (2002) avançait que la gestion de l'Etat engendrait des criminels violents et que Troupe d'élite (2007) s'attachait à montrer que l'Etat créait sciemment une police corrompue et violente, Troupe d'élite : L'ennemi Intérieur tend à étudier les raisons d'un tel carnage en remuant les intrigues nauséabondes nourrissant le gouvernement. Les trois films sont imbriqués au point qu'il serait franchement intéressant d'en faire une lecture chronologiquement inversée, chaque opus enrichissant la compréhension du précédant.

En pleine année électorale, ce nouveau tour de force du cinéaste brésilien (honteusement boudé en France) risque fort de vous secouer la conscience citoyenne. Quant à l'avant-dernier plan du film (montrant un drapeau brésilien ne flottant pas sur la capitale Brasilia), il y a des chances qu'il vous glace le sang... en attendant le printemps.

Le DVD et le Blu-Ray

Nous ne répèterons jamais assez à quel point il est SCANDALEUX de constater l'anonymat relatif de José Padilha et de ses films en France. Heureusement pour les cinéphiles que nous sommes, si la sortie de Troupe d'élite : L'ennemi Intérieur se fait en direct to video, celle-ci s'avère soignée.
Ainsi, en plus d'une compression très honorable, vous pourrez plonger avec enthousiasme au coeur d'un making-of d'une heure retraçant le travail de titan de Padilha et de son équipe. Bon, on est parti-pris à mort, certes, mais c'est pas-sion-nant.

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Eléonore Guerra (21 Février 2012)