Tu seras mon fils : déni de paternité (test DVD)

Tu seras mon fils : déni de paternité (test DVD)

Entre un père et un fils qui partagent la même passion, le courant devrait en définitive plutôt bien passer. Pourtant, dans la famille De Marseul, vignerons depuis des générations, Paul (Niels Arestrup) ne semble pas accorder la moindre considération professionnelle et encore moins affective à son fils Martin (Lorant Deutsch). Alors que Martin fait tout son possible pour que son père daigne l'estimer comme le digne héritier du prestigieux vignoble familial, celui-ci s’amourache des talents du fils de son ancien associé, Philippe (Nicolas Bridet). Une situation qui accroît davantage le sentiment de rejet de Martin de la part de son père et pousse sa colère et sa frustration, enfouies depuis des années, à s’exprimer haut et fort.

 

Je t’aime… Moi non plus

À travers Tu seras mon fils, Gilles Legrand (Malabar Princess, La Jeune fille et les loups) évoque habillement les conséquences du rejet et de l’égocentrisme paternel tout en exploitant avec minutie l’univers vinicole. On y découvre, derrière les interprétations remarquables de Lorant Deutsch, Niels Arestrup, Patrick Chesnais, Nicolas Bridet et Anne Marivin, des personnages forts et creusés qui nous transmettent presque intimement chacune de leurs émotions.

L’œuvre, non seulement brillamment interprétée, explore très fidèlement le travail d’un œnologue grâce à un scénario que l’on sent très travaillé en amont afin de retranscrire ce milieu de la meilleure manière qui soit, et des décors rigoureusement sélectionnés qui offrent des plans d'une simple et séduisante beauté. Le réalisateur ira même jusqu’à dire qu’il était prêt à s’investir jusqu’au bout : "quitte à bouffer du raisin toute la journée".

Au final, Tu seras mon fils délivre un témoignage toujours très juste de l’ambition familiale, de l’insatisfaction affective (réduite à néant par un Niels Arestrup qu’on déteste du début à la fin) et de la remise en question de la signification des liens familiaux. Une véritable réussite qui nous met souvent mal à l’aise par son approche au pragmatisme à la limite de la perfection.

Un film éprouvant

Si vous jetez un œil aux bonus, ne passez pas à côté de l’entretien très intéressant avec Gilles Legrand et Lorant Deutsch qui raconte à quel point le choix et les méthodes d’interprétations ont pu atteindre les membres de l’équipe, notamment l’acteur principal, qui y explique qu’une fois une journée de tournage terminée, il se hâtait de se défaire de son personnage tellement son mal-être déteignait sur lui. Un investissement d’autant plus douloureux que le réalisateur s’est plongé dans l’univers viticole au point de savourer du matin au soir divers variétés de raisins jusqu'à en avoir la gorge irritée. Cette expérience est développée à travers un petit focus sur le boulot accompli par lui et un professionnel à la réflexion des méthodes d’intégration des détails de son métier au récit du film (et pour les amateurs, le spécialiste va même un peu plus loin dans l’explication du travail d’oenologue).

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Audrey Soto (25 Janvier 2012)