Un Prophète : première grosse bombe de Cannes

La Palme lui irait si bien...

 

Samedi 16 mai. 07h25. Le réveil sonne. Aïe. 8h de sommeil en 2 nuits, ça fait mal… Et oui, c’est aussi ça les folies cannoises, bouger son body jusqu’au bout de la nuit, et sauter du lit fraîche, dispose et badge autour du cou pour arriver à l’heure à la projo de 8h30 : Un Prophète de Jacques Audiard. Coup d’œil dehors : chouette, le soleil est revenu (au placard les baskets que j’ai dû me trimballer toute la journée hier). N’empêche, j’ai pas vraiment les yeux en face des trous lorsque je m’assoie dans la majestueuse salle du Grand Palais. Les lumières s’éteignent. (non, t’endors pas, t’endors pas, tu vas juste voir un film qui dure 2h30 mais t’endors pas, je suis sûre que c’est bien.)
Générique.
Premiers plans.
Bam. Une gifle.
Deuxième séquence.
Quatre gifles.
Au bout de 2h30, c’est plus une gifle mais carrément des coups de poing qu’on s’est pris en pleine face. On en sort KO, sous le choc, presque transi.
Waou.

On le sait, Jacques Audiard est un cinéaste d’exception, perfectionniste s’il en est, et un maestro de la mise en scène. Il l’a déjà prouvé par le passé, de Sur mes lèvres à De battre mon cœur s'est arrêté. Alors entouré d’Abdel Raouf Dafri - le scénariste qu’il faut avoir comme pote en ce moment (la saga Mesrine, La Commune sur Canal + ) on frise carrément la perfection. Le mot est fort, mais juste. Car tout sonne cruellement vrai dans ce Prophète : du décor entièrement reconstitué, en dur, en banlieue parisienne, aux acteurs qui foutent leurs tripes sur la table (fantastiques Tahar Rahim et Niels Arestrup), de la mise en scène à couper au couteau à une histoire poisseuse qui tranche dans le vif… Alors oui, le film est violent - certaines scènes sont même difficilement supportables - mais d’une violence - physique et morale- toujours au service de l’histoire.

« Le Prophète, ici, et bien c’est celui qui annonce un nouveau prototype de criminel, pas un psychopathe, pas un mec à la Scarface. Quelqu’un d’angélique mais qui est capable de tout. (…) Parce que moi ce qui m’intéressait, c’était traiter de la prison comme métaphore de la société… Je voulais pas faire un documentaire. Je voulais faire un film de genre, avec des visages qu’on ne connaît pas. L'HOMME QUI TUA LIBERTY VALANCE mais sans John Wayne, si vous voulez. » Lunettes de soleil vissées sur le nez, bien entouré par son équipe de scénaristes, de producteurs et ses deux acteurs, Jacques Audiard la joue relax, blagueur, plein de bagou et de générosité. « Puisqu’on ne pouvait pas tourner dans une prison en activité, on a fabriqué une taule juste pour nous, un truc en dur, pas en studio. On avait l’impression d’aller en taule tous les jours, alors pour le côté réalisme…. » Et oui, car Un Prophète, c’est typiquement le genre de film qui vous colle une boule dans le bide et qui ne vous lâche plus, longtemps, longtemps après être sorti de la salle.

Alors, oui, on crie au génie, et on le crie haut et fort… Mais le cinéaste affiche une grimace un peu gênée lorsqu’un journaliste le remercie pour son « chef d’œuvre ». Va pourtant falloir qu’il s’habitue…

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Aurélie Vautrin (Cannes, 16 mai 2009)