Vendredi 1er septembre : Venise se fait violence et j’ai trouvé les coupables !

Le Festival de Venise est aujourd'hui plein de violence sur les écrans, mais pourquoi ? Je suis allé rencontrer les différents coupables en conférence de presse. Pour le film coréen, la salle est presque vide (peu de confrères se lèvent dès 8h30 le matin), pour le film français Juliette Binoche - qui est blonde pour les besoins d’un tournage - fait remplir la moitié de la salle, et pour le film américain c'est salle comble !

Jakpae venu de Corée avec Lee Beom-Soo et Jung Dou-Hong joue la carte d'une violence surtout graphique. On s'affronte à coup de couteau, de bâton, de batte de base-ball et de pieds dans le ciment pour une noyade garantie. Un polar ou des amis d'enfance sont devenus des rivaux qui vont s'entretuer. Le final est une longue bagarre très chorégraphiée dans un restaurant façon Kill Bill Vol.1.
Le réalisateur Ryoo Seung-Wan : "J'ai voulu montrer les sentiments des personnages à travers les scènes de combat. Porter un pistolet est interdit en Corée, en plus si on l'utilise c'est difficile de s'excuser ou d'obtenir quelque chose après, au contraire du bâton par exemple. Dans Kill Bill la vengeance amène à une libération, pas dans mon film ou la violence ne va rien soulager ".

Le film World Trade Center est présenté ce soir, mais déjà la polémique commence. Je l'ai découvert lors de sa première projection et au générique de fin il a été autant applaudi que hué par la salle. Patatras, voila que le gros film sur le 11 septembre vient de dégringoler. Avec un thème comme celui-là forcément politique et avec Oliver Stone aux manettes, on pouvait s'attendre à quelque chose d'explosif. Alors, qu'en est-il du World Trade Center vu par Oliver Stone ? Ici rien de vaguement politique sur les circonstances du 11 septembre, et rien non plus du côté gros film catastrophe. Son World Trade Center se partage surtout entre deux policiers coincés dans les décombres d'une tour et entre leurs familles fébriles de peur qu'ils soient morts. C'est le retour de la figure du héros américain qui sauve les autres, et qui voudrait en même temps redonner des couleurs au drapeau américain. Mais trop de patriotisme finit par limiter la compassion que l'on devrait ressentir. Si, du côté du fond, il est proche du ground zéro, du côté de la forme il faut reconnaître que le film s'élève vers des sommets.

Sont présents outre le réalisateur à la conférence de presse l'actrice Maria Bello, ainsi que les vrais policiers et leurs épouses qui sont à la base du film. L’une des premières questions : « On s'attendait à un film plus politique et pas cette histoire pleine de bons sentiments » , est directe.
Oliver Stone : "Je voulais raconter cette histoire car elle est insolite et unique. Les sauveteurs qui réagissaient à ce qu'il se passait ne parlaient pas de politique. Ce n'est pas un film post-11 septembre. Il n'y a pas de héros, ce sont des personnes qui ont besoin de retrouver un lien, alors que la politique divise les gens. Dans le film un marine va en effet s'engager en Irak, je ne justifie pas ce fait. C'est juste une envie de vengeance qui s'est exprimée comme ça dans la réalité. D'ailleurs à mon avis la guerre en Irak est plutôt une erreur. Ce sont les producteurs et scénaristes qui m'ont proposé ce film, et ça m'a intéressé. D'autres films sont à faire. Ces évènements n'ont pas encore eu de conclusions dans leurs conséquences. "

De façon beaucoup plus détournée, Quelques jours en septembre de Santiago Amigorena aborde aussi l'évènement mais avec le regard de plusieurs personnes poursuivies par d'autres quelques jours plus tôt. Quelqu'un veut réunir ses deux enfants qui ne se connaissent pas avant que quelque chose de grave n'arrive aux USA. C'est assez étrange de voir dans le film des endroits que je viens juste de découvrir moi-même puisque l'histoire qui commence à Paris se déplace par le train à Venise !
Aux côtés de Sara Forestier, Tom Riley et Juliette Binoche (qui blague en riant), le réalisateur Santiago Amigorena : "J'ai voulu parlé du 11 septembre et d'espionnage, en dépassant ce genre pour etre centré sur quelques personnages. A un moment le jeu d'image avec le flou c'est parce que je suis myope et aussi parce que une partie de l'histoire n'est pas compréhensible tout de suite."

Autre polémique du jour, c'est le trublion Spike Lee qui montre son documentaire When the leeves broke (a requiem in four acts) sur les conséquences de l'ouragan Katrina qui a frappé la Louisiane, l'Alabama et le Mississipi l’an dernier. Grande hésitation quand même entre rester au soleil à jouer au freesbee sur la plage et s'enfermer pour 4 heures de film. Ayant vu ces 4 heures de témoignages divers, on apprend plus de choses qu'à la télé (où sera diffusé ce documentaire en plusieurs parties). Le premier acte donne la mesure de la catastrophe, le second (et plus intéressant) montre l'inaction du gouvernement américain, le troisième s'attache au désespoir et à la colère des victimes, et enfin le dernier parle d'essayer de continuer à vivre à la Nouvelle-Orléans tant bien que mal. On y entend (par la voix du rappeur Kayne West) que George Bush en a rien à faire des noirs, Spike Lee signe évidement un requiem engagé. Il vise ce qui fait honte à l'Amérique : les médias considèrent les victimes comme des réfugiés à la place de citoyens américains, la trop longue inaction du gouvernement et sa réaction insuffisante, et surtout des aberrations humanitaires.

Pour un peu plus de douceur dans ce monde de brutes, rendez-vous ce week-end…

Christophe Maulavé, alias Il bellissimo giornalista (Venise, le 1er septembre 2006)

Sara Forestier & Juliette Binoche

 

 

 

 

 

 

Oliver Stone & les pompiers new-yorkais

 

 

 

Spike Lee

 

 

© photos Isabelle Vautier, alias Il photographe fantastica

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