Venise 2008 : retour sur les derniers jours de compèt'

Vendredi 5 Septembre

Un lac : Quelque part dans le nord où il y a de la neige, un homme coupe du bois, c’est Alexis qui vit là avec sa sœur Hege dont il est très proche. Un jeune homme du nom de Jürguen arrive pour aider à couper les arbres, et il va perturber leurs habitudes… C’est le nouveau film de Philippe Grandrieux depuis La vie nouvelle qui bougeait dans tout les sens. Cette fois, il raconte son histoire avec énormément de très gros plans (sur les yeux, les bouches, les mains…) et avec une économie de dialogues. Un lac est donc plus épuré et tout aussi envoûtant, même si il a laissé quelques spectateurs aussi isolés que ses personnages.

The Wrestler : Le nouveau film de Darren Aronofsky a frappé tout le monde à Venise, c’est presque l'unanimité. Un film sur le catch avec un vieux lutteur sur le retour ? Et bien oui, on ne s’en doutait pas encore, mais c’est formidable. The Wrestler a su mettre la salle à terre et les spectateurs se sont relevés pour applaudir. Le film est porté par un Mickey Rourke dont c’est la renaissance comme acteur, alors qu’il joue un catcheur sur le déclin. Le générique commence avec des affiches de combats prestigieux de Randy "The Ram" Robinson dans les années 80. Puis, nous voici une vingtaine d’années plus tard. On le découvre de dos, il tousse et il a des problèmes d’argent. "The Ram" n’est plus que l’ombre de la célébrité qu’il a été, il fait des petits boulots de manutention. Pourtant, il continue de faire quelques combats sans envergure, il n’a pas encore décroché de ce sport.
Bienvenue dans l’univers du wrestling à la fois côté ring (le public crie ‘à mort’ comme pour les gladiateurs) et côté vestiaire (les lutteurs sont des amis qui parlent chorégraphie). Après un match "The Ram" a un grave malaise, il lui faut arrêter la lutte et redevenir Randy Robinson. Alors il pense beaucoup à son amie stripteaseuse (Marisa Tomei) qui lui plaît bien et va se souvenir qu’il a une fille (Evan Rachel Wood) qui lui en veut de son absence. Que devient un sportif en fin de carrière quand sa seule famille était le sport ? Randy Robinson va essayer de compter dans la vie de quelqu’un, mais c’est "The Ram" qui a compté pour le public…
Dans le film il est à la fois un corps usé plein de cicatrices et un homme fatigué d’être seul. En cela, Mickey Rourke - qui porte les mêmes choses sur son visage - apparaît comme une évidence. Le réalisateur Darren Aronofsky dirige cette fois sa caméra à l’opposé de ses films précédents (The Fountain était déjà à Venise il y a deux ans) : il suit souvent l’acteur de dos ou précède ses pas, l’image est toujours mobile. Il souligne plusieurs fois le trouble du personnage de Mickey Rourke avec le passage du vestiaire au ring : l’homme qu’il est devenu et le sportif qu’il a été. Quand retentit la musique du début de la chanson " Sweet child o’mine " (des Guns n’ Roses) à l’entrée d’un nouveau combat après ce que "The Ram" a essayé de reconstruire, on a alors des frissons; et on sait déjà avant la fin que The Wrestler est un très bon film.
A Venise, la question n’est pas tant de savoir si le film aura un Lion d’Or, mais plutôt de parier si il sera pour Mickey Rourke (meilleur acteur) ou pour Darren Aronofsky (meilleur film). En tout cas, ce lutteur a fait forte impression.

Women : C’est un documentaire chinois en opposition avec le gouvernement de la Chine, dont seul le propos mérite qu’il soit à Venise. Le réalisateur Wenhai Huang s’est en effet contenté de filmer avec sa caméra numérique quelques hommes qui se réunissent pour parler politique. Il y a un seul parti au pouvoir et il est au dessus des lois, c’est un appareil qui peut surveiller et arrêter des gens. Certains ont des idées qu’ils écrivent sous forme d’article sur internet, mais le site web risque d’être fermé s'il a trop d’audience et son auteur peut risquer la prison. D’autres veulent créer une organisation pour fédérer des gens, mais pour une existence légale il faut la déclarer et l’autorisation est refusée. Du coup, les activistes de la démocratie sont comme des grains de sable, et le gouvernement en place n’a pas de pression du peuple... et cela, même s'il y a des gens qui échangent des idées.

Venise ? Un mur à côté du festival permet d’y laisser n’importe quelle critique. On y lit des choses parfois méchantes ou d’autres très drôles comme « Plastic City c’est 118 minutes de trop » ou « Anne Hathaway est la remplaçante de Julia Roberts… ou sa contrefaçon ? »

Samedi 6 septembre

Ultime journée avant la cérémonie de clôture, un dernier film en compétition qui ne tient pas la route avant de reprendre la route, on chuchote sur les chances des autres de remporter un prix…

Il Seme Della Discordia : Une femme qui n’avait pas encore eu d’enfant se retrouve enceinte suite à un viol et se met en quête du père… A partir d’un drame qui n’a rien d'humoristique, le réalisateur Pappi Corsicato a fait un film pas très drôle, même s'il a tout fait pour donner une comédie légère et amusante. Dès le générique le ton est donné puisqu’il nous montre quantité de bustes et des jambes de femmes. Le seul attrait est qu’il filme de près sa belle héroïne Caterina Murino sous toutes les coutures de ses décolletés, et même sans vêtement. Les situations les plus téléphonées se suivent et certains personnages n’ont aucune utilité si ce n’est de remplir un peu le cadre, le tout se déroule dans un décor digne d’une sitcom. On se laisse prendre quand même à cette graine de la discorde qui ressemble à un roman-photo de magazine féminin. Le public italien - qui retrouve à l’écran Isabella Ferrari, Valeria Fabrizi et Alessandro Gassman - semble aussi déconcerté.

Kettô Takadanobaba : Voilà un vieux film japonais de Masahiro Makino, montré à Venise après restauration... il date de 1937 ! Dans un village où on se précipite pour aller voir une bagarre, Yasubei Nakayama, un homme toujours ivre, se défait de n’importe quel duel avec son sabre. Son oncle a honte de son comportement et une jeune fille ne doit pas choisir un homme tel que lui pour mari. Pourtant Yasubei va devoir montrer qu’il est quelqu’un de bien. Etrange comme un vieux film de samouraï peut être meilleur que certains films de la compétition...

Venise ? On attend le palmarès. La presse italienne n’a pas du tout aimé Inju, la bête dans l'ombre, Nuit de chien, Plastic City, et a beaucoup apprécié Ponyo sur la falaise, près de la mer, The Hurt Locker. Le Lion d’Or est remis à…

Christophe Maulavé (Venise, le 8 Septembre 2008)