Vers une palme d'or française ?

Le battement d'aile d'un…. d'une paupière.
Le Scaphandre et le papillon est l'adaptation du livre autobiographique de Jean Dominique Baudis. Le film, présenté en compétition officielle aujourd'hui, est en bonne place pour la Palme d'or…
Cet ouvrage paru en 1997, où Jean-Dominique Baudis, journaliste renommé entièrement paralysé suite à un grave accident vasculaire cérébral, raconte sa vie à l'hôpital maritime de Berk sur Mer… Un livre émouvant, qu'il a écrit avec les battements de sa paupière.
Adapter cette histoire au cinéma sans tomber dans un sensationnalisme exacerbé relevait quasiment de l'impossible. Quel réalisateur pourrait transmettre les émotions de cet homme, ses peines, sa douleur, son humour et ses volontés sans tomber dans le pathos ? C'est en la personne de Julian Schnabel, peintre et cinéaste, que le livre a trouvé sa perle rare. Le réalisateur réussit en effet la prouesse de nous raconter le drame vécu par Jean-Do avec une originalité et une force hors du commun.
Optant au départ pour une caméra subjective, les images s'élargissent peu à peu à quelques flash-back sur sa vie d'avant l'accident, puis sur sa vie à l'hôpital. Racontées en voix off par Mathieu Amalric, interprète de Jean-Do, les séquences filmées de son point de vue sont d'un réalisme remarquable. De même, toutes les scènes où il se souvient évitent subtilement le côté trop nostalgique et larme-à-l'œil.

Une pudeur et un incroyable respect se dégagent de cette œuvre de toute beauté. Rarement un film français n'aura autant mérité la palme d'or que celui-ci, tant la réalisation de Julian Schnabel est parfaite. Tous les comédiens sont eux aussi excellents. Ils vivent leur rôle comme une incroyable expérience humaine, avec en tête Mathieu Amalric qui nous offre une interprétation sans faille. Il mériterait sans conteste un prix d'interprétation…

L'équipe au grand complet était réunie aujourd'hui lors de la conférence de presse du film. Très applaudi par les journalistes, le réalisateur, américain, a expliqué pourquoi il n'a pas fait ce film aux Etats-Unis : « Jean-Dominique Bauby était un écrivain français qui vivait dans un hôpital français. Je voulais restituer cette sensibilité française. Je ne voulais pas choisir des acteurs américains. Ils auraient jouer en anglais et on aurait dû sous-titrer le film pour la France. Cela aurait été ridicule. En outre, je n'aurais pas pu faire le film en dehors de l'hôpital de Berck. Les paysages, l'ambiance, les infirmiers étaient essentiels à la crédibilité de l'adaptation. »

Adapté cet ouvrage au cinéma était un exercice plus que délicat, comme l'a expliqué Mathieu Amalric : « Je me suis demandé comme peut-on faire un film de ce livre. (…) Après avoir rencontré Julian Schnabel, j'ai senti immédiatement sa nécessité de le mettre en scène. Je me suis dit qu'on pouvait peut-être ne pas être des escrocs en utilisant le malheur de quelqu'un. J'ai compris que c'était possible. Par ailleurs, j'ai vu comment Julian travaillait avec le texte ; le tournage n'allait pas être le coloriage du scénario, on allait inventer. Réflexion faite, il fallait pas forcément être acteur sur ce film, juste des êtres humains. »

A noter, pour la petite anecdote, que c'est Johnny Depp qui était prévu au départ pour incarner Jean-Dominique Baudis... Mais les tournages & promotions de Pirates des Caraïbes s'enchaînant, l'acteur a finalement dû décliné l'offre... Et c'est sur le tournage de Munich de Steven Spielberg que la productrice Kathleen Kennedy a proposé le rôle à Mathieu Amalric.

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Amélie Chauvet (Cannes, le 22 mai 2007)